Jazz, Reggae

Formé voici près de 25 ans déjà à l’université de Sonoma (Californie du Nord) Groundation est (à l’instar d’Aswad, Steel Pulse et UB 40 au Royaume-Uni) un exemple d’acculturation du reggae hors de son terreau originel. Porteur revendiqué d’une philosophie universaliste, leur leader Harrison Stafford en a amplement renouvelé le line-up depuis leur avant-dernière livraison. C’est parmi les rangs de ses propres étudiants et condisciples au sein de cette université qu’il a déniché ses nouveaux comparses, parmi lesquels il assume plus que jamais son héritage métissé, entre jazz, dub et skank. L’organiste Will Blades et les cuivres Craig Berletti et Roger Cox perpétuent cet esprit de fusion, comme le firent en leur temps les Crusaders et les Mothers Of Invention dans d’autres registres. Ce treizième album confirme la chaleur communicative de l’un des ensembles les plus créatifs de la scène reggae contemporaine. Un quatuor à cordes (“Human Race”, “Greed”) et des cuivres et claviers jazzy (“Day When The Computer Done”, “Market Price”, “Iron”) constellent ainsi les plages ensoleillées de cette nouvelle livraison. Si le mysticisme assumé de Stafford pourra agacer les non initiés (de même que son regard constamment plissé derrière ses bésicles de baba professor, ainsi qu’un sourire crispé à faire passer Robert Fripp pour Bigard en goguette), on ne saurait dénier à cette formation sa courageuse détermination à perpétuer la tradition, tout en s’évertuant à en élargir les codes. Avec pour top credibility guests les ultimes rescapés de Israel Vibration, des Abyssinians et des Congos, Groundation tisse donc une fois encore des ponts entre jazz et Jah (guère éloignés du Zappa circa George Duke et Fowler Brothers de “Roxy & Elsewhere”, sur “Absolutely Clear” par exemple). Rasta barbe et repasse donc me voir après!

Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, June 3rd 2022

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https://www.youtube.com/watch?v=qql0eAuQV1M