GROUNDATION meets BRAIN DAMAGE – Dreaming From An Iron Gate

Baco Music
Electro, Reggae-Dub
GROUNDATION meets BRAIN DAMAGE - Dreaming From An Iron Gate

Reconstitution de ligue dissoute, pourrait s’exclamer notre Sinistre de l’Intérieur! En effet, la mythique formation californienne que pilote Harrison Stafford et le producteur français Martin Nathan n’en sont pas à leur coup d’essai, puisqu’ils ont déjà publié de concert en 2017 le remarquable (et remarqué) “Liberation Time”. Cette fois, l’enjeu est de taille, car il ne s’agit de rien moins que célébrer le vingtième anniversaire du légendaire “Hebron Gate” (troisième album de Groundation), unanimement considéré comme un monument du reggae contemporain. Mais à contrario d’autres relectures faciles, Stafford prévint son ami, en lui confiant les bandes de l’original: “je ne veux à aucun prix d’un simple album dub”. Défi relevé haut la main par un Martin (alias Brain Damage) rompu de longue date aux remixes aventureux. S’ouvrant sur un mode spiritual jazz privilégiant trompette et claviers numériques, le skank lunaire s’y impose sur des chœurs généreusement nimbés d’echo delay. On songe à la rencontre de Miles Davis, Horace Andy et Massive Attack, tandis que le timbre caractéristique de Harrison confirme qu’il s’agit pourtant bien du “Between Earth And Zion” qui ouvrait le “Portail de Hebron” voici deux décennies déjà. Un Fender Rhodes joue à cache-cache avec des cuivres à la Burning Spear et des voix célestes façon I-Three pour un “Forgiveness” où la ganja aurait été supplantée par des narcoleptiques élaborés en laboratoire. Imperturbables, bass & drums n’en perpétuent pas moins ce déhanché ondulatoire sans lequel la Jamaïque serait demeurée méconnue, mais cette charpente élastique prend ici la forme d’un trapèze évoluant au ralenti (l’halluciné “Spitfire”). Le melodica prend les accents du “Dub Factor” de Black Uhuru, tandis que le trombone évoque celui de Rico sur un “Deaf Ears” d’abord plus straight que la moyenne de l’ensemble, avant que la folie ambiante ne l’emporte vers d’autres horizons. “All I’ve Seen Today” et “A New Star” procèdent du même artifice, au point que l’on pourrait croire y ouïr quelques incunables de Marley revisités par Lee Perry ou Mikey Dread. Introduit par un clavinet seventies, “They Are Wrong” s’envole au fil des arabesques qu’y décrit un saxophone, le transfigurant au point que seules quelques bribes vocales y témoignent encore de l’original. La plage titulaire échappe quant à elle quasi-intégralement à son cadre initial, pour n’en conserver que la trame rythmique, avant que “The Garden” ne conclue ce périple sur le mode incantatoire d’un derviche tourneur. Sans doute l’album le plus audacieux de Groundation à ce jour, ce Rêve d’une Grille D’Acier risque de hanter longtemps vos nuits comme vos jours: un salutaire et passionnant tour de force!

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, June 10th 2023

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https://www.youtube.com/watch?v=Yr0WuEIcchE

Groundation & Brain Damage: Interview croisée à écouter (et regarder) ICI