| Folk |
Le folk song est un genre tellement codifié que les véritables innovateurs en la matière s’avèrent le plus souvent ceux qui n’y parviennent qu’incidemment. Ainsi, dans la ligne de grands passeurs tels que Pete Seeger, Ramblin’ Jack Elliott ou Dave Van Ronk, de Bob Dylan, John Prine, Nick Drake ou encore Townes Van Zandt. Non pas que le Néo-Zélandais Graeme James puisse déjà prétendre se hisser au niveau de ces figures tutélaires, mais son approche et son parcours indiquent qu’il pourrait peut-être bien y prétendre un jour. Encore enfant, ce dernier se rêvait en violoniste classique, mais les heures de pratique assidue de l’instrument lui causaient de telles douleurs à l’épaule qu’il se passionna ensuite, adolescent, pour le folk et ses racines celtiques. Se produisant dès lors à la guitare ou banjo dans le cercle familial et amical, et tandis qu’une carrière musicale s’offrait manifestement à lui, le jeune Graeme, effrayé par les incertitudes et la précarité d’une telle option, préféra embrasser celle d’instituteur, plus stable et sûre à ses yeux. Il n’en acquit pas moins une loop pedal sur un coup de tête, afin d’en explorer les possibilités. Réalisant alors qu’il pouvait conjuguer via cette technologie l’éventail complet des multiples instruments à sa portée, sa passion pour la musique s’en trouva ravivée. En dépit de ses sages résolutions, les accidents de la vie le menèrent à devoir un temps dormir dans sa voiture, et quand celle-ci tomba en panne, à se résoudre à faire la manche pour survivre. Contrairement à ses préventions, ce fut la musique qui le tira de ce mauvais pas, et prenant cela pour un signe du destin, il résigna à en faire son job à temps plein. Après avoir écumé le moindre patelin de ses îles natales (et y avoir bâti une solide fan base), il émigra en 2018 pour les Pays-Bas. Y constatant bien vite à quel point la météo y diffère d’une saison à l’autre, il s’est lancé le défi de consacrer un E.P. à chacune d’entre elles, et publia donc le 18 septembre dernier “Autumn: Old Storm In New Places”, suivi le 1er janvier dernier de “The Weight Of Many Winters”. Le printemps venu, cet “A Sea Of Infinite Possibilities” célèbre non seulement la saison du renouveau, mais plus prosaïquement aussi la naissance de sa fille, Eva. Le “Life Begins Again” d’ouverture et la plage titulaire qui ferme le ban symbolisent ainsi cette nouvelle étape dans son existence. Sans se cantonner pour autant à sa propre expérience, Graeme James met en pratique le précepte premier de tout folksinger: dépeindre le particulier pour parler au plus grand nombre. En conteur aguerri, il confère ainsi à ses chansons une dimension universelle, qu’il s’agisse de paraboles ou de ritournelles d’apparence plus anodine (“The Fool”, “Babe I’m Coming Home”). Avec leurs arrangements et chœurs célestes, les splendides “Landscape With The Fall Of Icarus” et “Little Steps” tutoient même l’orfèvrerie délicate et sophistiquée d’un Ron Sexsmith, d’un Sujan Stevens ou d’un Parker Millsap. Si tous les enseignants disposaient de la même verve poétique que Graeme James, gageons que le décrochage scolaire ne serait plus un problème.
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, June 2nd 2021
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Graeme James – A Sea of Infinite Possibilities: album à écouter et télécharger ICI
Disponible également sur le Bandcamp de l’artiste, ICI
Graeme James – A Sea of Infinite Possibilities: