Gonzalo Rubalcaba, Chris Potter, Larry Grenadier, Eric Harland – First Meeting: Live at Dizzy’s Club

2 CDs / 5Passion – Street date, July 11, 2025
Jazz
Gonzalo Rubalcaba, Chris Potter, Larry Grenadier, Eric Harland - « First Meeting: Live at Dizzy’s Club »

Quand quatre mousquetaires du jazz contemporain rêvent ensemble — et transforment ce rêve en réalité.

Ce n’est pas tous les jours qu’un album live de jazz parvient à brouiller aussi finement la frontière entre une session de studio méticuleusement élaborée et une performance spontanée, chargée d’électricité. Et pourtant, c’est exactement ce que propose ce double album lumineux, un témoignage rare de quatre musiciens d’exception engagés dans un dialogue à la fois intime et expansif, comme si les murs du Dizzy’s Club Coca-Cola s’étaient évaporés pour laisser la musique flotter librement. Si ce n’était pour les salves d’applaudissements d’un public conquis, on croirait écouter un enregistrement en studio tant le niveau de concentration, de raffinement et de complicité est palpable.

Ce projet dépasse le simple cadre d’un album: c’est un sommet artistique, une convergence de mémoires, de convictions musicales et d’âmes créatrices. L’histoire remonte à près de trente ans, en mars 1995. Jason Olaine, alors vice-président de la programmation du Jazz at Lincoln Center et nouveau directeur artistique du Yoshi’s Jazz Club à Oakland, en Californie, engage le pianiste cubain Gonzalo Rubalcaba et son quartet pour une série de quatre concerts. Mais la politique s’en mêle: le Département d’État américain refuse les visas des musiciens cubains, mettant en péril la série.

Plutôt que d’annuler, Olaine improvise, à l’image des artistes qu’il défend. Il organise en urgence un duo avec le saxophoniste Joe Lovano. Le résultat? Une alchimie foudroyante, gravée à jamais dans les mémoires. «Joe m’a demandé: “On joue quelques standards?”», raconte Rubalcaba. «J’ai répondu : “Je n’en connais aucun.”» Lovano sort alors une partition de Body and Soul, et Rubalcaba, qui ne connaissait pas le morceau, en livre une interprétation si bouleversante qu’Olaine en reste marqué à vie. «Il a littéralement démoli le morceau, avec une grâce et une profondeur incroyables», se souvient-il. «J’ai regardé le visage de Joe, il était fasciné. C’était l’introduction parfaite à l’univers artistique de Gonzalo.»

De cette rencontre naîtra l’album culte Flying Colors, sorti en 1997 chez Blue Note. Ce fut aussi le début d’une longue collaboration entre Olaine et Rubalcaba, que le programmateur invitera régulièrement à Yoshi’s, notamment en trio avec Brian Bromberg et le légendaire Tony Williams, puis dans un autre groupe avec Dave Holland, Chris Potter et Eric Harland, présenté aux festivals de jazz de Monterey et Newport.

Malgré la virtuosité de ce quatuor, surnommé officieusement le Monterey Quartet, leurs prestations n’ont reçu qu’une attention limitée. Un oubli que Jason Olaine n’a jamais cessé de vouloir corriger.

En 2022, une opportunité se présente. Olaine propose de réunir Rubalcaba, Potter, Grenadier et Harland pour un concert spécial au Dizzy’s. «Je sentais que c’était le bon moment pour raviver quelque chose d’exceptionnel», confie-t-il. «Une fenêtre s’est ouverte dans leurs agendas, et ils ont tous sauté sur l’occasion. Tout le monde a été payé au même tarif, il ne s’agissait que de faire de la bonne musique.»

Et quelle musique! Dès les premières notes, on comprend que ce projet n’est pas un simple revival. Il s’agit d’un hommage, certes, mais aussi d’une prise de risque, d’une exploration sincère, et de cette osmose unique qui n’émerge que lorsque les artistes jouent sans ego, avec écoute et générosité. Ici, pas de parade de “grands noms” alignés pour cocher une case, seulement quatre créateurs habités par l’instant.

Pour l’auditeur, l’expérience est presque addictive: un élixir sonore qui donne des frissons et bouscule les repères. Les grands compositeurs s’effacent devant l’instant présent, les partitions deviennent tremplins d’émotion. Ce qui compte ici, c’est la manière dont ces compositions prennent vie entre les mains de musiciens à la sensibilité rare.

Près de trois ans après l’enregistrement, à l’aube de la sortie officielle de l’album, le groupe brûle encore d’envie de se retrouver. Une tournée européenne est prévue en mai, avec d’autres concerts programmés jusqu’en 2026. Ce qui n’était au départ qu’une rencontre unique est désormais devenue un projet durable, une fraternité musicale pleine de promesses.

Pour les amateurs de jazz, cet album n’est pas un simple disque. C’est un événement. Une leçon d’écoute, d’élégance et d’humanité. Et une fois que vous y aurez goûté, bonne chance pour vous en passer: c’est une drogue douce, une addiction sonore, qui appelle une seule chose: la réécoute.

Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News

PARIS-MOVE, June 23rd 2025

Follow PARIS-MOVE on X

::::::::::::::::::::::::

To buy this album

Gonzalo Rubalcaba’s website
Chris Potter’s website
Larry Grenadier’s website
Eric Harland’s website

 

Tracklist:

  1. 500 Miles High (16:44) Chick Corea
  2. State of the Union (13:55) Larry Grenadier
  3. Eminence (15:55) Eric Harland
  4. Con Alma (18:33) Dizzy Gillespie
  5. Oba (13:16) Chris Potter
  6. Santo Canto (14:33) Gonzalo Rubalcaba