Latin Jazz

Amis d’enfance depuis leur Havane natale, le pianiste et compositeur Gonzalo Rubalcaba et la chanteuse, actrice et songwriter Aymée Regia Nuviola Suàrez grandirent tous deux au sein d’environnements à haute teneur musicale. La mère d’Aymée était en effet professeur d’histoire et donnait des leçons piano, tandis que tout en suivant les préceptes du conservatoire classique, Gonzalo s’immergeait parmi la scène prolifique des clubs locaux, y côtoyant Orquesta Aragon et Los Van Van, ainsi que des pointures telles qu’Omara Portuondo, Elena Burke ou Isaac Delgado, et étudiait les conceptions harmoniques de Maîtres comme Bill Evans, Chick Corea et Herbie Hancock. Après des parcours distincts (Rubalcaba a publié une bonne vingtaine d’albums sous son nom et multiplié les collaborations, que ce fut avec son mentor et ami Charlie Haden, ou auprès de Richard Galliano, Ignacio Berroa, Juan Luis Guerra, Pat Martino,Tony Martinez et Chick Corea, tandis que les enregistrements d’Aymée cumulaient les distinctions, et qu’elle se produisait sur les planches des plus prestigieux festivals), leur première collaboration discographique, “Viento Y Tiempo” (basée sur leur patrimoine commun), devait les embarquer pour une tournée européenne, hélas compromise par l’irruption de la pandémie du Covid. Quand les frontières se rouvrirent, leur prestation en simple duo lors de l’édition 2021 de Jazz in Marciac remporta un triomphe, immortalisé par cet enregistrement dont la ferveur demeure palpable de bout en bout. S’ouvrant sur une version intimiste du célèbre “Besame Mucho” de Consuelo Velazquez, le répertoire s’y répartit entre extraits sensibles de “Viento Y Tiempo” (“Lagrimàs Negras”, “El Manisero”, “El Ciego” – que Gonzalo avait enregistré avec Charlie Haden et Federico Brito sur leur album “Nocturne” – ou ce “Bemba Colorà” dont la grande Celia Cruz avait imposé la signature), augmentés de personal favourites (“Mi Mejor Cancion”, “Nada Es Para Ti”, “Dos Gardenias”, “El Raton”). Pianiste d’une inventivité et d’une virtuosité confondantes (ses digressions en échappée belle sur “Lagrimàs Negras”!), Rubalcaba transporte sa comparse de corniches escarpées (où cette dernière ne s’en laisse toutefois pas conter) en bouleversantes plages d’une sombre quiétude (“Mi Mejor Cancion”, “Dos Gardenias”, “El Ciego”), tout en servant ce chaloupé complice dont leur héritage vernaculaire ne saurait s’affranchir (ces “El Raton”, “El Manisero” et “Bemba Colorà”, auxquels le public se prête de bonne grâce). Un album d’une grâce et d’une empathie contagieuses.

Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, September 2nd 2022

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GONZALO RUBALCABA & AYMÉE NUVIOLA – Live In Marciac: album à commander sur le site du label 5Passion Records