GLENN CLOSE – TED NASH – Transformation

Tiger Turn
Jazz
GLENN CLOSE - TED NASH - Transformation

Le 24 mars 1978, j’eus la “chance” relative d’assister au concert de Patti Smith au Cirque Royal de Bruxelles. Juchés avec nos boots et sneakers sur les accoudoirs des fauteuils de velours rouge de cet auguste lieu, nous exultions à sa reprise du fameux “Be My Baby” immortalisé par Phil et Ronnie Spector quand soudain, chaussant ses bésicles d’institutrice, la Smith ordonna le silence et se mit à déclamer des poèmes de Blake et Joyce pendant trois minutes qui parurent une éternité… Major coïtus interruptus! Suite à ce traumatisme, je fus fâcheusement enclin à considérer pour les décennies à venir qu’une part non négligeable de ce qui se prétendait intellectuel devait forcément se montrer chiante comme la pluie, et ce ne sont pas les premiers pas télévisés d’Arte qui me démentirent sur ce point (même si ça s’est considérablement amélioré depuis…). Avec le présent pensum, je me trouve à nouveau confronté à ce dilemme: si tu t’ennuies, c’est que tu ne dois pas être au niveau… Il faut dire que ce mélange de jazz orchestral et de spoken word (tradition initiée dès la fin des fifties par la Beat generation), rendu d’autant plus hermétique par la barrière de la langue, peine à convaincre de prime abord qui ne peut, à tort ou à raison, se targuer d’appartenir à l’intelligentsia. Sur le papier pourtant, l’objet présente de quoi séduire: Wynton Marsalis n’est pas précisément une tanche, et au sax-soprano, Ted Nash lui-même se montre amplement capable de soulever la moquette. En quatre décennies de carrière, ce dernier aligne une quinzaine d’albums en tant que leader, et près d’une quarantaine d’autres en collectif. Son C.V. énumère des collaborations avec Don Ellis, Joe Lovano, Freddie Hubbard, Louie Bellson et le Lincoln Center Jazz Orchestra. La quinzaine de pointures qui composent l’orchestre mobilisé s’avère apte à de remarquables envolées collectives (“Preludes For Memnon”), mais les passages déclamés par Glenn Close (pas forcément la plus fun des actrices que nous ait offertes Hollywood), tel l’introductif “Creation, Part I” ou les pesants “One Among Many” et “Wisdom Of The Humanities” prononcés par Amy Irving et “Rising Out Of Hatred” par Matthew Stephenson (consacré au meurtrier de George Floyd) renvoient (au mieux) au récitatif “An American Prayer”, bricolé par les Doors survivants sept ans après la disparition de leur frontman…. Exception notoire (et d’apparence paradoxale), le pourtant long “A Piece By The Angriest Black Man In America (Or How I Learned To Forgive Myself For Being A Black Man In America)” de Wayne Brady parvient néanmoins à évoquer les tirades aussi inspirées que remontées du regretté Gil Scott-Heron. Capté en public au Rose Hall de New-York en février 2020, cet enregistrement n’en propose pas moins un indéniable brio dans son exécution, ainsi que maints passages d’une impressionnante créativité (“Dear Dad/Response”, guère éloigné des envolées instrumentales des “Aja” et “Black Cow” de Steely Dan, ou encore ce “Forgiveness” où Marsalis se taille la part du lion). Du jazz orchestral de haut niveau, à déconseiller toutefois aux oreilles non-anglophones (du moins celles ne bénéficiant pas de la touche forward). À la troisième écoute, vous n’en risquez pas moins de ne plus pouvoir vous en passer!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, April 12th 2021

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Glenn Close and Ted Nash discuss TRANSFORMATION:

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