Blues |
L’une des toutes premières signatures de Richard Rosenblatt sur son label alors naissant, Vizztone (en 2007), Gina Sicilia n’avait alors que 22 ans. Huit albums plus tard, elle y revient comme l’enfant prodigue rentre à la maison, pour un disque profession de foi produit par le grand Colin Linden. Avec une remarquable économie de moyens (juste la guitare ultra-expressive de Colin, quelques chœurs élégiaques, les claviers sporadiques de Kevin McKendree et Janice Powers, ainsi qu’une section rythmique où figure le subtil batteur Bryan Owings, ex-Tony Joe White et Webb Wilder), elle délivre à 37 balais ce qui pourrait bien représenter le climax de sa carrière. D’inspiration résolument gospel-roots, elle n’y a en effet sans doute jamais si bien démontré l’étendue de ses capacités vocales et de son potentiel émotionnel. Dès le holler “Healing Time” et le gospel enfiévré “How Far Am I From Canaan”, on est subjugué par l’engagement d’une vocaliste au zénith de son art. Le ragtime blues “Don’t Be Afraid To Be Wrong”, les country-soul ballads “Let’s Set The World On Fire”, “One Last Tender Moment” et la plage titulaire (tutoyant la mémoire de la grande Patsy Cline), le “Death Don’t Have No Mercy” du Révérend Gary Davis (ici transposé dans le Chicago West-Side de Magic Sam), le “Make Me A Pallet On Your Floor” du géant Mississippi John Hurt et l’original de Tom Hambridge et Linden, “Valentine”, emportent ici toute réserve. On se damnerait en effet pour trouver pareille ferveur communicative parmi la tiède production actuelle. Le tout baigne dans la même reverb cotonneuse que le “I Just Wanna See His Face” des Stones d’il y a un demi-siècle, et comme le confirme le terrassant “There’s A Bright Side Somewhere” conclusif, voici une nouvelle diva pour le blues contemporain. On se découvre, mécréants, Hallelujah!
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, May 1st 2022
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