Blues, Psycho garage |
Résumé succinct des épisodes précédents: Belge d’ascendance Rom, la jeune Ghalia Vauthier est passée en cinq ans des trottoirs de la capitale européenne (où elle se produisait avec sa guitare en faisant la manche) aux clubs et festivals de ce vaste monde que l’on prétend libre. En quatre albums (dont trois sur le label allemand Ruf), elle a su se tailler une place sur l’exigeante scène blues actuelle, tant rien ne semble entamer sa foi ni sa détermination. Après son “One Woman Band” d’il y a deux ans (capté en solo intégral à Memphis au Royal Sound Studio de feu Willie Mitchell, chroniqué ICI, et qui lui valut la visite de courtoisie de Monster Mike Welch), elle nous revient cette fois de la lisière du Désert des Mojaves californien, près du Parc national de Joshua Tree, où elle a enregistré sous la houlette de David Catching (membre des Eagles Of Death Metal et compagnon des Queens Of The Stone Age), dans son célèbre studio Rancho De La Luna (là où Iggy Pop et Josh Homme captèrent en 2016 leur “Post Pop Depression”). Dès les “Every Cloud” et “Changes” d’ouverture, la différence avec sa précédente livraison s’avère patente. Avec le soutien musclé du batteur Danny Frankel (Lou Reed) et de l’organiste Ben Alleman (Dr. John), le son en est nettement plus garage et rhythm n’ blues (voire psychédélique, comme en atteste le solo de guitare de Catching sur le second précité). Sur un hillbilly country beat, le poignant “Can’t Afford To Die” cède à nouveau le chorus à ce bon David, tandis que Whitney Shay (collègue de label de Ghalia) y figure en choriste. Le picking auquel nous a accoutumés Miss Volt au fil de ses précédents opus est de retour sur le languide “Insomnia”, que Frankel commence par accompagner aux tablas avant d’y reprendre les drumsticks, et qu’à nouveau, la lead guitar de Catching ne l’entraîne sur les rives du raga avec force phasing et sustain. Sans relation avec la chanson homonyme de Sister Rosetta Tharpe, la plage titulaire est le manifeste féministe qu’elle suggère, et Whitney Shay y est de retour aux chœurs, aux côtés de Jessi Carr et Amanda Portela. Catching y prend à nouveau un brûlant solo de wah-wah, tandis que la batterie de Frankel y pèse de toute sa frappe. Sur un rockabilly beat, “No Happy Home” offre enfin l’opportunité de retrouver la slide électrique de Ghalia en lead, de même que sur le Chicago shuffle “She’s Holding You Back” (qui réintroduit également son fidèle bassiste, Dean Zucchero). Avec Matt Miller aux baguettes et l’impressionnant Phil Breen à l’orgue, “Can’t Have It All” ramène à bon escient le Hills Country Blues spirit (de même que l’entêtant “Hop On A Ride”, avec le renfort de la guitare rythmique de Eddie 9V qui le co-signe), tandis qu’avec ses hand claps, son orgue vintage et son torch-R&B beat, “Hell Is Not Gonna Deal With You” rappelle les agapes de Mitch Ryder & The Detroit Wheels, au temps béni de leurs “Jenny Take A Ride” et “Devil With The Blue Dress On”. “Dog Ya Around” n’en reprend pas moins la morgue revendicative d’une Janis Joplin en verve, avant de conclure en piano boogie avec un “Po’ Boy John” que n’aurait pas renié le regretté Jerry Lee Lewis (et où Ben Alleman s’en donne à cœur joie). Un album résolument plus rock que ce à quoi nous avait habitués cette intrépide amazone, qui n’a cependant jamais craint de bousculer les codes ni les habitudes: il y flotte même, de-ci de-là, quelques effluves sauvages de vintage Haight Ashbury…
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, September 6th 2023
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Album à commander sur le site de Ruf Records, ICI
https://www.youtube.com/watch?v=LNl_CTLVvA8
https://www.youtube.com/watch?v=GxgaJRUGh_0