Rock |
Qu’il s’agisse effectivement de l’équivalent rock du “Guerre Et Paix” de Tolstoï (d’après le magazine Rolling Stone), ou plutôt du disque archétypal dont il vaut mieux NE PAS comprendre de quoi il retourne (selon Serge Loupien dans Libé), “All Things Must Pass” charrie dans son titre son propre oxymore, puisque après la réédition du trentième anniversaire (et les innombrables bootlegs issus des chutes des mêmes sessions), celle-ci démontre à l’envi que l’on se trouve en présence de l’un des sparadraps du Capitaine Haddock les plus persistants du demi-siècle. Sous l’égide de la veuve Olivia et de leur rejeton Dhani (troublant portrait craché de son géniteur), l’ingé-son Paul Hicks a ainsi dépoussiéré les pistes originales d’avant-spectorisation, ainsi que les bandes archivées du work-in progress (certains titres ayant bénéficié d’autant de prises alternatives qu’un film de Coppola). Ce triumvirat nous livre à présent, non pas un “All Things Must Pass – Naked” (selon la formule postérieurement appliquée à “Let It Be” sur l’intervention de Macca), mais une version clarifiée du mix originel. C’est particulièrement patent sur l’initialement embrouillé “What Is Life” (où, sans en effacer la moindre piste, celles dédiées aux cuivres concèdent aux cordes et la slide un rôle plus équitable), “Beware Of Darkness”, “Let It Roll” et la majestueuse plage titulaire (ou encore le dylanesque “If Not For You”, où le piano de Gary Wright et le Hammond de Billy Preston restaurés font davantage jeu égal avec l’harmonica coin-coin, sans pour autant en altérer le caractère agreste). La paire Clapton/ Ringo s’en donne à cœur-joie sur le bien intitulé “Wah-Wah”, où se combinent la guitare de Slowhand façon “Coming Home”, une section de cuivres spoliée à Delaney & Bonnie (comme chez Mad Dogs & Englishmen, et bientôt aussi les Stones de “Sticky Fingers”) et le wall of sound d'”Instant Karma”, tandis que, tempéré des cordes trop étouffantes de la version originale, le mix présent de “Isn’t It A Pity” propose (outre son pattern emprunté au “I’m The Walrus” de ses ex-congénères), une réévaluation bienvenue du jeu de slide caractéristique de son auteur. Rejoignant la veine de son poteau Starkey (qui en avait enregistré un tombereau à Nashville la même année sur son propre “Beaucoups Of Blues”), le Bakersfield country “Behind That Locked Door” scintille des feux langoureux de la pedal-steel du regretté Pete Drake, sans que la Grosse Bertha de cuivres tonitruants dont Spector avait affligé l’intro de “Let It Down” n’ait ici été vraiment modérée. Les jams initialement confinées sur le troisième LP du coffret vinyle d’époque se trouvant acculées au second volet de ce coffret (après les titres du deuxième LP), le fan assoiffé se ruera fébrilement sur les 17 plages inédites que propose le troisième CD, où se côtoient gags liverpuldiens typiques (“Isn’t It a-shitty, isn’t it a pain, how we make so many takes…”, en guise de “Isn’t It A Pity” Take 14!), covers inattendues (l’ironique “Wedding Bells” qu’adapta à ses tout débuts Gene Vincent, ici en version quasi-Carl Perkins, ou cette version approximative du “Get Back” de ses ex-comparses), ainsi qu’une dizaine de véritables prises alternatives (dont celle, totalement distincte dans sa facture et son exécution, de “Run Of The Mill” – pourtant déjà splendide sous sa forme officielle – ainsi que les premières ébauches, nettement plus sobres mais non moins émouvantes, de “Wah-Wah”, “Art Of Dying”, “What Is Life” et “Let It Down”, voire celle, nettement plus enlevée de “If Not For You”). Les fans de Clapton savoureront la prise 5 de “Hear Me Lord”, sur la coda de laquelle leur guitar-hero se fend d’un solo erratique à la Neil Young période Crazy Horse. Même s’il manque à cette copieuse réédition “Deluxe” l’inédit “I Live For You” (présent sur celle du trentième anniversaire), celle-ci en propose un autre (l’étonnant blues acoustique appalachien “Woman Don’t You Cry For Me”), et un mystère demeure irrésolu: comment a-t-on pu poursuivre ce brave George pour le plagiat du “He’s So Fine” des Chiffons, et laisser filer Gérard Palaprat avec son éhonté “Fais Moi Un Signe”?
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, November 14th 2021
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