GEORGE BENSON – Walking To New Orleans

Provogue / Mascot
Rock'n'Roll

Pour nombre de jazzeux, ce Témoin de Jéhovah incarne la traîtrise ultime, depuis sa conversion disco baloche avec des hits planétaires de la stature de “Give Me The Night” ou “This Masquerade”. Si George Benson demeure certes l’un des plus fins stylistes des six cordes en activité, on ne lui a plus guère recensé de contribution discographique notable depuis des lustres (et ce n’est pas son hommage d’il y a six ans au répertoire de Nat King Cole qui dissipera le malaise). Quelle mouche l’a donc piqué, à l’aube de son 76ème printemps, pour qu’il se résolve à éveiller soudain l’intérêt des amateurs de vintage rock n’ roll, en consacrant un plein album à ces covers des récemment disparus Chuck Berry et Fats Domino? Backé par un quartette basique (augmenté d’une section de cuivres aussi restreinte qu’efficace, ainsi que de choristes et de cordes non invasifs), l’ex-émule de Charlie Christian et Brother Jack McDuff aligne ainsi dix extraits des catalogues respectifs de ces deux géants du rhythm n’ blues fifties: “Nadine”, “Memphis, Tennessee”, “You Can’t Catch me”, “Havana Moon” et “How You’ve Changed” pour Chuck, et outre la plage titulaire, “Blue Monday”, “Ain’t That A Shame”, “Rockin’ Chair” et le “I Hear You Knocking” signé Smiley Lewis pour Fats. À l’arrivée, une rondelle ouvertement nostalgique de temps aussi bénis que révolus, mais dont la dévotion semble cette fois sincère. Le registre vocal de Benson, naguère encore si policé, se nimbe ici d’un grain bienvenu, et son jeu de guitare, s’il se caractérise par une concision de bon aloi en pareil contexte, s’inscrit dans une veine bluesy souvent proche de T-Bone Walker. Mentions spéciales au remarquable pianiste Kevin McKendree (dont les interventions fourbissent le contrepoint idéal à celles des cuivres et de la guitare), ainsi qu’au producteur Kevin Shirley, dont la maîtrise de la fameuse console Focusrite au studio Ocean Way de Nashville procure à cette galette le lustre vintage qu’imposait l’exercice.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder