Rock |
Suite des (més)aventures du plus grand vocaliste blanc que le rock des origines ait jamais révélé. Comme mentionné dans la chronique du coffret Vol.1, Cliff Gallup n’est plus de la partie, et Gégène accumule les déboires: déjà handicapé par sa patte folle disloquée, il enchaîne tournée sur tournée (y compris dans le sens alcoolémique du terme). Non seulement, chacun de ses Blue Caps originels rend bientôt son tablier, mais sa première épouse en fait autant. Cornaqué par un manager véreux (pléonasme, en ces temps où le business était dominé par des forains) lui imposant des cadences infernales, il est en outre privé de toute latitude artistique. On l’afflige de choristes sucrés pour singer les Jordanaires qui trustent désormais les arrangements de son rival Presley, et on lui fait enregistrer un quota exponentiel de mièvreries ineptes, dans le but déclaré d’élargir la palette de ses auditeurs. Bref, Gene Vincent subit de plein fouet la politique d’édulcoration du rock engagée par les labels depuis qu’Elvis est parti faire son service. Si quelques perles telles que “My Heart” (pastiche éhonté de Buddy Holly), “Five Feet Of Lovin'”, “Who’s Pushing Your Swing”, “In Love Again” (plagiat de Bo Diddley et de “Not Fade Away”), “Pistol Packin’ Mama”, une adaptation rockab’ et sauvage du “Rip It Up” de Little Richard, une autre du “I Can’t Believe You Wanna Leave” de Lloyd Price, ou “Say Mama” émaillent encore son répertoire, ce dernier plane désormais cent coudées en dessous du niveau de ses fulgurants débuts. Il n’en demeure pas moins que chacune des 71 plages de ce triple CD témoigne du talent encore intact d’un vocaliste tragiquement surdoué. Le cynisme ambient le galvaudera encore, jusqu’à lui faire reprendre son propre “Be Bop A Lula” en twist. Ultime sacrilège, avant que Capitol ne lui rende son contrat, entérinant une dérive dont notre héros ne se remettra jamais.
Paris-Move