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Au mitan des nineties, quand la Britpop tentait de nous rejouer la guéguerre virtuelle entre Beatles et Stones par Blur et Oasis interposés, qui tenait donc les troisième et quatrième couteaux? Dans les rôles respectifs (et souvent plus passionnants) des Who, Kinks et Small Faces d’alors, on trouvait Dodgy, Suede et Supergrass. Près de trente ans plus tard, si les irréconciliables frangins Gallagher continuent de se tirer la bourre à distance et si Blur, à l’inverse des insubmersibles Rolling Stones, parvient encore à épater avec un nouvel album inespéré, Dodgy et Supergrass ont rejoint les annales depuis belle lurette. Certains de leurs membres n’en remuent pas moins encore, à l’instar du leader de ces derniers, le guitariste et chanteur Gareth Michael Coombes, dit Gaz. Pour son quatrième album solo en une décennie, le lascar s’entoure, comme à ses débuts, d’amis proches (le multi-instrumentiste Garo Nahoulakian et le guitariste Nick Fowler). Et même si la joviale exubérance du trio d’Oxford originel (devenu quatuor en cours de parcours) se mue parfois en luxuriante mélancolie (“Overnignt Trains”, “Don’t Say It’s Over”). Gaz (qui, outre la signature de ces neuf titres, y assure lui-même guitares, basse, claviers et drums) n’en délaisse pas pour autant les références qui l’ont toujours hanté: glam lascif (“Feel Loop (Lizard Dream)” et sa touche T-Rex de funk alangui) et britpop chorale en forme de hit anachronique (l’entêtant “Long Live The Strange”, qui n’aurait déparé aucun des albums de son groupe initial). Et quand notre homme se transfigure en émule des Neil Young et Bowie de l’âge d’or (les poignants “Not The Only Things” et “Sonny The Strong”), on se surprend à ne pas s’en étonner. La plage titulaire, “This Love” et “Dance On” tutoient ainsi Edwyn Collins et Ron Sexsmith, sans que l’on songe une seconde à un quelconque pastiche. Ceux qui le suivent depuis toujours le savent bien: sous ses faux airs de lutin, Gaz Coombes recèle une sensibilité à la mesure de son talent de mélodiste roué et d’arrangeur subtil. Un grand disque de classic pop intemporelle, d’une enveloppante cohérence.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, September 20th 2023
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En concert au Grand Mix de Tourcoing samedi 21 octobre 2023