FRANCESCO PIU & THE GROOVY BROTHERHOOD – Live In France

Appaloosa Records / IRD
Blues
FRANCESCO PIU & THE GROOVY BROTHERHOOD - Live In France

On l’avait quitté il y a deux ans sur son remarquable “Crossing”, lors duquel il rendait un hommage aussi vibrant que transgressif à Robert Johnson. Le revoici à présent pour un nouvel enregistrement live (son quatrième à ce jour), capté cette fois dans notre bon vieil Hexagone le 24 septembre dernier. En l’occurrence, Francesco (guitare acoustique et baryton, chant) avait étoffé sa formation de deux nouvelles recrues, le lead guitariste Roberto Luti et l’harmoniciste Davide Speranza, tout en conservant l’assise solide de son fidèle batteur, Silvio Centamore. S’ouvrant sur le diddley beat effréné “Down On My Knees”, cette livraison se caractérise par une énergie à laquelle contribue chacun de ces protagonistes (Speranza et Luti en tête), sans que la frontière entre blues et rock n’y soit jamais trop brutalement franchie. Mêlant acoustique et amplification électrifiée, les arrangements évoquent parfois ici ce que produisaient sur les planches John Mayall ou les Doobie Brothers au début des seventies, comme en témoignent les adaptations du gospel “Jesus On The Mainline” et celle du “Gotta Serve Somebody” de Dylan (avec leur slide électrique mélodieuse à souhait, et le beat syncopé qu’y impriment Silvio et la baritone guitar de Francesco qui s’octroie même un solo sur le second). “Trouble So Hard” est bien l’obscur standard gospel de Vera Hall, que le bidouilleur électro Moby remit au goût du jour voici une vingtaine d’années sur son album éponyme. Piu et sa fratrie du groove en restituent une version aussi ténébreuse qu’ombrageuse. Comme plus loin sur l’adaptation du traditionnel “Black Woman”, la slide y plane comme une menace, tandis que Centamore y fait tonner cymbales et toms en de furieux crescendos, et que le ton de Francesco s’y fait déclamatoire : ce sont là deux des sommets manifestes de ce set. Menée par la guitare acoustique de Francesco, la rythmique funky de l’original “You Feed My Soul” offre à l’harmonica de Speranza une opportune piste de décollage (évoquant à nouveau le Mayall de “Room To Move”), avant que Piu ne sollicite la participation du public sur un bref pont a capella. Sur un autre diddley beat nonchalant, “Overdose Of Sorrow” emprunte à l’Americana dont les regrettés J.J. Cale et Calvin Russell étaient coutumiers. Les strates de slide et d’harmonica s’y adossent aux percussions tribales de Centamore, et l’écho qui nimbe le chant de Francesco en renforce la portée dramatique. Sur un rythme réminiscent du “Willie & The Hand Jive” de Johnny Otis, l’enlevé “In The Cage Of Your Love” galvanise le rock n’ soul, et le gang italien n’hésite pas à y dégainer la wah-wah sur le climax : un autre incontestable sommet… Le tendre “Mother” propose un délicat répit atmosphérique, avant que le blues furibond ne reprenne ses droits pour un “Hold On” lancé à plein régime. Guitares et harmonica s’y épousent sur un riff virevoltant, avant que Roberto ne lâche à nouveau une wah-wah enragée aux trousses des auditeurs. Ce remarquable live se referme sur un rappel amplement mérité, avec le “Trouble No More” de Muddy Waters, traité par ces iconoclastes en boogie jubilatoire façon John Lee Hooker: wow, volcanique!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, January 16th 2022