Ethno-blues

Sacré Robert Johnson! Du fond de son caveau, s’il pouvait voir le nombre d’hommages, d’exégèses et d’anthologies dont il fait à présent l’objet, il n’en reviendrait probablement pas (d’ailleurs, il n’est à ce jour toujours pas revenu non plus). Sans aucun doute la plus éclatante révélation du blues transalpin de ces dix dernières années, le Sarde Francesco Piu a quatre albums studio et trois live à son actif. Coutumier des plus grands festivals, il a effectué un panel de premières parties prestigieuses, et écumé les scènes d’Europe, du Canada et des États-Unis. S’il s’attaque à son tour au répertoire du sorcier du Delta Blues, c’est sous un angle résolument inédit: en arrangeant les dix titres ici sélectionnés à la sauce méditerranéenne! Des ouds arabes et bouzoukis grecs se mêlent donc aux percussions africaines, avec l’apport d’accordéon, de kora, calebasse et djembé (et une touche électro assumée), pour mener ce bon Robert en un voyage qu’il aurait sans doute été bien en peine d’imaginer, depuis son Mississippi des années trente. Sur le papier, on pourrait trouver ici des similitudes avec les démarches transatlantiques de Taj Mahal, Corey Harris ou Mighty Mo Rodgers au Mali, mais le concept s’avère ici moins orthodoxe que chez ces derniers. Avec la complicité de son fidèle batteur Silvio Centamore et de pointures telles que l’harmoniciste Marco Pandolfi (qui boute le feu à “Me And The Devil”), les orchestrations foisonnent d’un groove à la fois moderne et exotique, où la technologie se marie naturellement aux instruments les plus ancestraux (“Crossroad Blues”). Les cordes électriques de Francesco Piu dessinent des arabesques envoûtantes (“Stop Breaking Down”, “From Four Until Late”, “Stones In My Passway”) pour l’un des albums les plus étonnants de cette année. Aussi irrésistible que fascinant: plongez!

Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, November 17th 2019