FRA FRA – Funeral Songs

Glitterbeat / Modulor
World Folk
FRA FRA - Funeral Songs

Les Fra Fra sont une peuplade d’Afrique de l’Ouest, située au nord du Ghana et au sud du Burkina Faso. Sédentaires, ils vivent essentiellement de la culture céréalière. Fra Fra est aussi un trio de musique traditionnelle basé à Tamal, et dirigé par un petit homme que l’on désigne dûment du sobriquet de Small. Destiné autant aux événements festifs qu’aux cérémonies funéraires, leur art ne s’exprime, selon leurs dires, jamais mieux que quand ils sont saoûls! Armé d’une simple guitare à deux cordes (le kologo), et accompagné des percussions primitives qu’actionnent ses deux compères (deux courges évidées et agrémentées de gravier), voire d’un simple fifre, il s’est prêté presque à regret à la captation sonore que lui proposait Ian Brennan (producteur de Tinariwen), dans le cadre de sa série Hidden Musics. Sur le mode qu’avait employé jadis Alan Lomax dans les exploitations agricoles et les prisons du Sud confédéré, il s’agit d’enregistrer les artistes au plus près de leur biotope. Se pratiquant de manière ambulatoire (lors des processions funèbres ou d’autres événements), la musique de Fra Fra ne pouvait guère se prêter aux contraintes du studio, et fut donc enregistrée tandis que les musiciens se déplaçaient en cercle autour des micros. On a beau perpétuer à l’envi les poncifs les plus éculés sur les correspondances entre les musiques d’Afrique de l’Ouest et le blues, force est d’admettre que les signes s’en avèrent ici patents. On ne peut en effet s’empêcher d’ouïr parmi ces mélopées entêtantes, au fil desquelles le chant principal répond souvent à la scansion de chœurs répétitifs, l’écho lointain des field-hollers qu’ahanaient jadis les esclaves africains dans les plantations du Vieux Sud des States, ainsi que leur prolongement dans la tradition fife & drum du North Missisippi. C’est particulièrement flagrant sur des plages telles que “Destiny (Orphans)”, “You Can’t Escape Death” et “I Will Follow You For Life, Everywhere”, tandis que sur l’a capella “Helpless (Death Has Taken Everyone)”, le timbre rauque avec lequel Small harangue son auditoire ne peut manquer d’évoquer certains preachers des églises du Mississippi. Brut et envoûtant, un enregistrement qui ne peut laisser insensible: celui de la transe cathartique éternelle.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, April 24th 2020