Americana |
Désormais composé de deux couples distincts, le FOGHORN STRINGBAND nous revient avec son neuvième album en seize ans d’existence. Si le mandoliniste et violoniste fondateur Caleb Klauder et la guitariste Reeb Wilms habitent Portland, dans l’Oregon, la contrebassiste Nadine Landry et le violoniste banjoïste Stephen Lind sont quant à eux établis en Gaspésie, à l’est du Québec. À destination de ceux, parmi nos lecteurs, qui seraient les moins familiarisés avec la folk-music amerloque, précisons que les string bands sont une des fondations primordiales des courants bluegrass et hillbilly ayant préfiguré la country music. Une branche endémique de ces idiomes s’étant longtemps développée parmi les vallées encaissées des Appalaches (cf. le célèbre film “Deliverance” de John Boorman), le FOGHORN STRINGBAND s’avère l’un des meilleurs continuateurs de cette tradition, puisant ses racines dans le folklore des immigrants français, allemands, écossais et irlandais qui peuplèrent cette région au tournant des 18ème et 19ème siècles. Les Appalaches cumulent en effet l’exploit d’avoir été l’une des dernières contrées américaines à se trouver pourvues de l’électricité et du télégraphe, tout en présentant le plus fort taux de consanguinité de l’ensemble des États fédérés. Il ne faudrait pas en déduire pour autant que nos amis n’interprètent que de la musique de ploucs, jouée par des ploucs, et à destination exclusive de leurs semblables. Il ne s’agit pas non plus de plaisirs naphtalinés dédiés à d’obscurs exégètes et rats de bibliothèques. Au contraire, sous les doigts (et archets) experts de ces quatre-là, ces ritournelles (datant pour certaines d’un siècle et plus) reprennent les couleurs vivaces de leurs temps originels, au point que le FOGHORN STRINGBAND se situe désormais à la tête d’un étonnant mouvement revivaliste, remettant à l’honneur cet art longtemps réputé obsolète. De jigs en reels, et de cajun songs en two-steps, la plupart des 19 plages ici présentes s’avèrent de fait d’irrésistibles dance tunes. Capté live en trois jours de décembre 2016 dans un antique (et desert) théâtre en bois sur l’île Orcas (état de Washington), cet album s’avère le témoignage le plus convaincant que des musicologues puissent transmettre, en perpétuant leur héritage de la meilleure manière possible: vivant!
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder