FLAMIN’ GROOVIES – Fantastic Plastic

Sonic Kicks / Severn
Rock

Dans le registre “retour-du-fils-de-la-vengeance”, “Fantastic Plastic”, le nouvel album des FLAMIN’ GROOVIES en 2017 vous fera, selon votre obédience, l’effet du Jugement Dernier ou celui du 18ème avatar de Star Wars et de Rocky… Car après le douteux “Live In Barcelona” de 1987, on était sans nouvelles discographiques du gang de San Francisco depuis 1991, et ce “Step Up” capté en Australie avec un line-up de bras cassés d’où peinaient à surnager le déplumé Cyril Jordan et son fidèle larbin, George Alexander. Bref, on croyait l’affaire pliée depuis l’éviction de leur second chanteur historique, l’exubérant Chris Wilson. Car si la dichotomie “toi et moi contre le monde entier” qui préside à la saga des GROOVIES depuis leur origine ne suffisait pas, leur fan-base se divise depuis quatre décennies entre les légitimistes (pour lesquels, hors Danny Mihm, point de salut) et les réformateurs (aux yeux desquels “Shake Some Action” demeure la huitième merveille du monde). Comme chacun sait, les fondamentaux de ces deux périodes résident dans les caboches respectives de Roy Loney (perpétuateur du son Sun, d’Elvis à Dr. Ross) et Chris Wilson (zélateur des premiers Stones et des early-Byrds). Lien entre ces deux dissidences, le moumouté Cyril Jordan n’a quant à lui jamais pu s’affranchir de sa fascination pour les Beatles des débuts. Réputés fâchés-brouillés-à-vie, ces trois-là ne s’en sont pas moins remis à se fréquenter depuis quelques années, à l’occasion de ponctuelles tournées commémoratives. De là à les imaginer rabibochés en studio, il n’y avait qu’un pas (de boots d’Aniello). C’est donc chose faite pour Jordan, Wilson et Alexander, avec l’appui d’un brelan de batteurs différents. S’ils se permettent de reprendre ici, sur “Fantastic Plastic”, leur propre “Let Me Rock” (dont l’original parut sur le fiévreux “Grease” qu’édita Marc Zermati en 74), “Just Like A Hurricane” n’est qu’une resucée du “Let’s Work Together” de Wilbert Harrison (saviez vous qu’un des cousins de Chris n’était autre qu’Alan Wilson, regretté fondateur de Canned Heat?). “End Of The World” (dont l’intro pastiche celle de “So You Want To Be A Rock n’ Roll Star”), “She Loves Me”, “I Want You Bad”, “Fallen Angel”, et “Cryin’ Shame” (citant celle de leur “Mr Tambourine Man”) confirment le trauma durable qu’infligèrent les Byrds aux Groovies seconde époque. L’instrumental “I’d Rather Spend My Time With You” accuse pour sa part une touche Mersey-beat évoquant les Beatles de “Cry For A Shadow”. Voici quarante ans déjà, Keith Richards déclarait à leur propos: “Ces types sont coincés dans le passé. Dans les années 60, ils remontaient à Gene Vincent, Fats Domino, Eddie Cochran et Little Richard. À présent, ils ne jurent plus que par les sixties. Où en seront-ils dans dix ans? Maintenant?”. Bien vu: ça a pris un peu plus de temps, mais la plage d’ouverture, “What The Hell Is Goin’ On?” sonne précisément comme les Stones des seventies (et donc aussi comme “Teenage Head”). Groupe de faiseurs (plus encore que de poseurs), les FLAMIN’ GROOVIES semblent n’avoir, cette fois encore, livré qu’un album de fans à destination d’autres fans: je le sais bien, puisque j’en fais partie. Mention spéciale à ce bon Cyril, qui n’a pu s’empêcher de réaliser lui-même la pochette, dans un saisissant hommage au grand Jack Davis!
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Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
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