Fiona BOYES – Voodoo In The Shadows

Blue Empress Records
Blues
Fiona BOYES

Cela fait belle lurette que le blues fait office de refuge pour rockers vieillissants (Paul Rodgers, Peter Frampton, Myles Goodwyn…), voire de plan retraite pour d’autres (cf. Gary Moore, qui n’aura guère eu le temps d’en profiter). Mais parmi les nouveaux venus à s’y consacrer, combien donnent-ils l’impression qu’il s’agit encore pour eux d’un sacerdoce? Comme papy John Mayall en son temps, l’Australienne Fiona Boyes est de ceux-là, et il suffit pour s’en convaincre de prêter l’oreille à l’envoûtant “Call Their Name” qui ouvre son onzième album à ce jour, voire à ce “Tell Your Story Walking” (ravivant la mémoire du real folk blues de Muddy Waters). Que cette transfuge des terres australes ait pu remporter en 2006 l’International Blues Challenge de Memphis dans la catégorie acoustic guitar n’a dès lors rien d’étonnant: s’il peut s’avérer relativement facile de singer le blues sur le plan technique, l’épreuve de l’émotion persiste à départager les fakes des authentiques, et ce contre vents hype et marées marketing. Qu’elle emprunte ici le voodoo swamp du regretté Tony Joe White sur “Party At Red’s”, ou la transe du furieux Chester Burnett sur l’enlevé “What You Put On Me”, le renfort précieux de l’expérimenté Johnny Sansone infuse au mojo la dose d’harmonica kérosène et l’accordéon zydeco qui font flamber la sauce (“Don’t Leave Your Feet At Home”). Et qu’elle reprenne le mambo latino “Dark And Dangerous Love” de son premier combo (les bien nommés Mojos) ne retire rien au roots feeling qui nimbe cette galette de part en part. Sur cette dernière, le multi-instrumentiste Tim Neal s’en donne à cœur-joie au saxo et au Hammond B3 (et c’est la cuban-fiesta à Miami), mais le swamp-blues & soul reprend vite ses droits avec les languissants “Little Things”, “Ember” et “With A Little Respect”, ainsi que le convaincant ragtime “New-Orleans” (de Gary Vincent). C’est que par delà ses impressionnantes capacités guitaristiques, Miss Boyes s’avère également une vocaliste profondément évocatrice. En mode Jimmy Reed exaspéré, “I Ain’t Fooling” ne démontre rien d’autre, et le plus imbibé des matamores baisse les yeux quand la Fiona l’admoneste ainsi de sa slide au rasoir et de son glapissement toile-émeri. Ne vous laissez plus refiler de verroterie frelatée, Fiona Boyes is the real thing!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, November 26th 2019