Jazz |
A la lecture du nom du groupe, on se pose de suite la question, renforcée par le sentiment que dégage la pochette du digipack, sombre avec ses teintes noires et ocres sur lesquelles ressortent des lettrages en réserve blanche, comme des graffitis, des écorchures. Dès les premières notes, le doute n’est plus permis, car ce groupe là, Festen, est en ligne directe avec l’univers, l’ambiance du film du danois Thomas Vinterberg. Un film qui fut le premier à être labellisé Dogme95 et qui reçut le Prix du Jury au festival de Cannes, en 1998.
A l’instar du film, la formation musicale du même nom, Festen, marqua elle aussi les esprits, en obtenant tout d’abord le premier prix au Tremplin de Jazz à Lagny, en 2009, avant de remporter, cette année, le Golden Jazz Trophy à Arras.
Leur musique est à l’image du film: complexe et subtil, avec ce côté sombre, dark au possible derrière des teintes plus claires. Composé de Damien Fleau aux saxos, Maxime Fleau à la batterie, Jean Kapsa au piano et de Olivier Degabriele à la contrebasse, le quatuor de Festen vous ouvre dès le premier morceau la porte de leur univers déjanté et sagement barré, avec cette retenue très classe qui sied si bien aux mecs qui se dessinent leur propre univers sonore. Festen vous ouvre sa porte alors même que le premier titre vous annonce le contraire: ‘Closed Door (part I)’. Vous pénétrez dans une première où la contrebasse rythme vos pulsations et le sax vous enveloppe, vous emporte, vous repousse jusqu’au second titre, la seconde pièce, ‘Ad’s Night Out’. Le sax vous attire à nouveau tandis que batterie et contrebasse vous imposent la cadence à suivre. Lentement, le piano vient à vous et illumine un peu l’endroit où vous vous trouvez. C’est sombre et la lumière du jour vous semble loin tandis que vous déambulez au milieu du foutoir qui encombre la pièce…musicale.
Mais dans cet univers si particulier et follement jazzy, des éclairs de lucidité vous parviennent, comme ce solo de sax ou cette envolée du piano où noires et blanches se mêlent et s’entremêlent jusqu’à l’orgasme. Après ‘Stony’ est annoncée la lumière attendue, avec ‘hoping Light’, comme quoi vous n’êtes que dans un film, ‘the’ film. Celui des Festen. En milieu d’opus les quatre lascars vous referment la porte devant le nez avec ‘Closed Door (part II)’ avant de vous inviter à les suivre pour la suite de la visite, en commençant par ‘Persepolis’.
Rien à dire, c’est du jazz moderne qui ne cherche pas à utiliser de grosses ficelles de fortes influences, c’est du spontané et bien torché, passablement habité quand il le faut, mais toujours avec cette retenue très classe qui sied si bien aux mecs qui se dessinent leur propre univers sonore (cela, je vous l’avais déjà dit, mais j’insiste!).
Un jazz qui est à l’image du film du même nom, provocateur et novateur. Et s’ils continuent ainsi, les quatre de ce Festen là seront incontestablement ‘in’, et donc innovateurs.
En ce mois de novembre du beaujolais nouveau, il est très plaisant de vous présenter une formation ‘française nouvelle’ de jazz à savourer et à déguster en y mettant le temps nécessaire pour en apprécier les arômes. Damien Fleau aux saxophones et son frère Maxime à la batterie, accompagnés par Jean Kapsa au piano et Olivier Degabriele à la double basse, nous servent là un opus en dix tableaux que je recommanderai vivement aux amateurs de musique que l’on écoute, de préférence, le soir venu. Sans trop de lumières, parce que l’obscurité est plus propice à l’appréciation et à la concentration. Pour mieux épier ce que chaque musicien de Festen vous raconte: le saxo qui dialogue avec le piano tandis que la section rythmique installe ce climat propice aux échanges affinés et autres subtiles joutes musicales avant que la basse ne s’échappe pour s’affirmer, en femme libérée, dans des envolées lyriques et rythmées.
Le tout étant plus que la somme des parties, c’est bien évidemment l’ensemble de ces dialogues structurés et de ces monologues improvisés qui constitue toute la richesse de l’album. A écouter sans précipitation, mais absolument…!!