World Jazz |

Fusion éblouissante de jazz, de musique classique et de musiques du monde, “IN.SIGHT” de Fabia Mantwill marque un saut visionnaire dans l’avenir du son orchestral.
Un mélange envoûtant de jazz, de musiques du monde et de tradition classique, IN.SIGHT est un album qui séduit dès les premières mesures. Ce qui impressionne véritablement, toutefois, c’est que cette architecture musicale complexe, portée par des arrangements flamboyants et une palette sonore étourdissante, reste pourtant accessible à un large public. Un tour de force. Mais peut-on vraiment s’en étonner lorsqu’on connaît l’artiste à l’origine du projet ? Fabia Mantwill, compositrice, cheffe d’orchestre et saxophoniste berlinoise, incarne cette génération d’artistes aux talents multiples, dotée d’une vision déjà très affirmée.
L’Allemagne a toujours été un terreau fertile pour les grands musiciens, et Mantwill s’inscrit pleinement dans cette tradition, tout en affirmant une voix singulière. Ce qui frappe ici, c’est la maturité et l’assurance de ce deuxième album, une étape souvent périlleuse dans la carrière d’un·e musicien·ne. On le sait, le second disque est fréquemment plus difficile à réaliser que le premier. Et pourtant, IN.SIGHT déjoue tous les pièges, avec une audace et une cohérence qui témoignent d’une artiste non seulement affirmée, mais en pleine conquête de son propre univers.
Ce projet réunit le Fabia Mantwill Orchestra, une formation de 32 musiciens de haut vol, six solistes d’exception et trois compositeurs de renommée internationale. Avec un tel plateau, et des collaborations passées avec Vince Mendoza, Kurt Elling ou Becca Stevens, on aurait pu craindre une approche trop académique ou formelle. Il n’en est rien. « J’ai rapidement compris que la seule manière d’y parvenir était de lâcher prise, de faire confiance au processus et de laisser la musique me guider », confie Mantwill. « Une fois cette décision prise, tout s’est déroulé naturellement. »
Et cela s’entend. L’album déploie une ampleur cinématographique, riche en émotions et en couleurs, digne des grandes musiques de film. Par moments, on pourrait croire qu’un James Bond décadent du XXIᵉ siècle surgira d’un accord dramatique pour sauver l’héroïne d’un destin tragique. Chaque piste passe à la vitesse de l’éclair, tout en laissant l’impression d’un voyage narratif dense, d’une fresque sonore.
Fait étonnant : les six compositions centrales de l’album ont été écrites en seulement 72 heures, aux côtés de Michael League (fondateur du groupe Snarky Puppy, plusieurs fois récompensé aux Grammy Awards) et de la compositrice grecque Magdalini Giannikou. Une écriture dans l’urgence, qui aurait pu virer à l’exercice périlleux, mais qui donne au contraire naissance à une œuvre intuitive, d’une sincérité rare, et d’une richesse multidimensionnelle saisissante.
La démarche de Mantwill est résolument contemporaine, tout en renouant avec une tradition orchestrale où la narration est au cœur de la composition. Chaque pièce est construite autour d’un soliste, qui en devient l’axe émotionnel. Ainsi, la guitare aérienne de Kurt Rosenwinkel s’élève dans Fairy Glen, tandis que la pedal steel lumineuse de Roosevelt Collier irradie Whirl The Wheel de ses glissandos incandescents. La clarinette d’Anat Cohen insuffle une chaleur méditative à Olhos, et les interventions de Momi Maiga (kora), Goran Stevanovich (accordéon) et Morris Kliphuis (cor) abolissent toute frontière stylistique, fusionnant les langages dans une fluidité rare.
On se laisse alors porter dans un monde parallèle, à la manière d’un enfant découvrant des sons nouveaux avec émerveillement. Les rythmes, les textures, les solos surgissent comme par enchantement, s’installent dans une forêt orchestrale luxuriante, et nous entraînent vers des destinations inconnues.
C’est beau. C’est élégant. C’est visionnaire. Et c’est sans doute un album qui fera date par son originalité, marquant un tournant dans le renouveau de la création européenne.
Plus qu’un simple disque, IN.SIGHT est une œuvre totale, une traversée musicale qui impressionne autant par sa forme que par sa profondeur artistique.
Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News
PARIS-MOVE, June 5th 2025
Follow PARIS-MOVE on X
::::::::::::::::::::::::
Musicians :
Fabia Mantwill – composition & arrangement & voice & saxophone
Jochen Neuffer – conductor
Violins: Anne-Sophie Bereuter,Luiza Labouriau, Marit Behnke, Annabelle Dugast, Julia Czerniawska, Almut Wolfart, Johanna Hempen, Valerie Leopold, Leonie Flaksman, Christina Döring, Çiğdem Tunçelli
Violas: Alexina Hawkins, Marc Kopitzki, Yağmur Atagür, Johann-Vincent Slawinsk
Cellos: Liron Yariv, Tabea Schrenk, Mireia Peñalver
Tilmann Dehnhard – flutes & alto sax
Matthew Halpin – tenor sax & flute & clarinet
Daniel Buch – baritone sax & bass clarinet
Jo Hermans – trumpet & flugel
Johannes Böhmer – trumpet& flugel
Jan Landowski – trombone
Tobias Herzog – bass trombone & tuba
Teresa Emilia Raff – harp
David Soyza – vibraphone & marimba
Charis Karantzas – guitar
Igor Spallati – bass
Marcio Doctor – percussion
Fabian Rösch – drums
Guest Soloists:
Kurt Rosenwinkel – guitar
Anat Cohen – clarinet
Roosevelt Collier – lap steel guitar
Momi Maiga – kora
Goran Stevanovich – accordion
Morris Kliphuis – french horn
Tracklist :
Satoyama
Whirl the Wheel
Circular
Sleeping Giant
Olhos
Fairy Glen