EVERYTHING EVERYTHING – Re-Animator

Infinity
Indie rock
EVERYTHING EVERYTHING - Re-Animator

Dès l’origine de ce qu’on nomma d’abord rhythm n’ blues, puis rock n’ roll, ses contempteurs reprochèrent au genre et à ses affidés leur carence supposée en matière intellectuelle. Qui aurait en effet songé à demander à des fauves magnifiques tels que Little Richard, Jerry Lee Lewis ou Gene Vincent la plus approximative analyse métaphysique de leur époque? Ils n’en avaient pas davantage besoin que leur auditoire, tout affairés qu’ils étaient à en bouleverser les conventions. Attendre le moindre commentaire structurant de la part d’idiots savants tels qu’Elvis Presley aurait alors paru aussi incongru que d’en espérer autant de Brigitte Bardot (dont Michel Audiard disait qu’elle était davantage bâtie pour marcher que pour parler). Les premières manifestations d’une pensée critique parmi les rockers en herbe ne vinrent-elles pas d’étudiants en art (le souvent pompeux et confus Pete Townshend) ou en littérature (le transcendant et venimeux Lou Reed)? Tandis que le corps enseignant en était encore à se gausser des lyrics de “Be-Bop-A-Lula”, le ver n’en commençait pas moins sournoisement son œuvre au cœur du fruit: le rock se mettait à gamberger. Et cela ne lui réussit pas toujours, loin s’en faut. Comme pour toute forme d’art, quand le concept prend le pas sur le geste, la production tend à perdre en substance ce qu’elle recherche de signifiant. Neil Young et David Bowie eux-mêmes (pas les dernières des buses, vous en conviendrez) ne se sont-ils pas fourvoyés plus souvent qu’à leur tour, à force d’expérimenter sans relâche de nouvelles perspectives? Ce préambule ne tend qu’à exprimer le malaise vertigineux qui saisit le fan d’Hasil Adkins et des Real Kids, confronté au cinquième album de cette formation mancunienne. Inspiré des théories du psychologue Julian Jayne (“The Origin Of Consciousness In The Breakdown Of The Bicameral Mind”, sic), ce machin oscille sur le plan sonore entre Coldplay (“Lost Powers”, “It Was A Monstering”, ‘Moonlight”, “In Birdsong”, “The Actor”, “Violent Sun”), Muse (“Planets”, “Lord Of The Trapdoor”) et les premiers The Fixx (“Big Climb”, “Arch Enemy”, “Black Hyena”). Et cela suffit amplement à me donner envie de retourner me coucher, merci.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, September 1st 2020