EVELYN RUBIO – Crossing Borders

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Soul blues
EVELYN RUBIO - Crossing Borders

Le passage de frontières fournit le titre idoine à ce nouvel album de la chanteuse et saxophoniste (soprano, alto, ténor) Evelyn Rubio. Native d’un faubourg sinistré de Mexico, elle y fut poussée sur scène toute jeune, avant d’être recrutée en raison de ses talents précoces par des programmes télévisés pour enfants. Sa première consécration internationale lui vint de la version canadienne de la comédie musicale “Jesus Christ Superstar”, où elle tint le rôle de Marie-Madeleine. Sur la foi de ce succès, elle monta dans son pays natal deux formations distinctes, dont Chivo Azul, qui animait six mois par an les soirées de la station balnéaire Playa del Carmen. C’est là qu’elle rencontra l’américain David Smith, qu’elle finit par épouser. Le couple emménagea en 2006 à Houston, Texas, où Evelyn ne tarda pas à susciter l’attention parmi le circuit des clubs locaux. Le guitariste Al Stahely (membre de l’une des incarnations du fameux Spirit de Mark Andes et Ed Cassidy) la présenta au légendaire trompettiste Calvin Owens (historique chef d’orchestre de B.B. King), qui lui proposa un contrat de cinq albums sur son propre label, Sawdust. Mixée à Londres par John Porter en personne, cette nouvelle livraison est le résultat de deux années de travail forcené, sous la houlette de Larry Fulcher, bassiste du Phantom Blues Band de Taj Mahal, qui rameuta pour l’occasion quelques membres émérites de la Houston blues mafia, au rang desquels le batteur et producteur Tony Braunagel, ainsi que les fameux claviéristes Mike Finnigan, Red Young et Barry Seelen, le bassiste Mark Andes et les guitaristes David Grissom, Johnny Lee Schell, Zach Person, Al Stahely et John Sklair (qui officia un quart de siècle durant aux côtés d’Etta James). Dès le funky “One More Last Time”, on est saisi par le timbre chaud, profond et sexy de la dame, dans un registre que n’aurait pas renié la Tina Turner de la grande époque. La production et les arrangements sont à la hauteur, avec l’orgue puissant de Red Young et les backing vocals de l’excellente Lori Michelle. C’est avec les trois quarts du Phantom Blues Band qu’ Evelyn Rubio propose ensuite “Still By Your Side”, et embouche enfin son groovy saxophone sur le latino santanesque “Just Like A Drug”. Dans la veine du Stevie Wonder de “Talking Book” et des Crusaders de la même époque, le semi-instrumental “Port Isabel” offre un brillant aperçu des capacités instrumentales de la lady, avant que l’irrésistible shuffle salace “He Did Me Wrong, But He Did It Right” n’offre à son auteur, Al Stahely, l’occasion d’échanger quelques licks bien senties avec le sax et les vocaux de la patronne. Le poignant slow soul number “I Don’t Understand” confirme la stupéfiante dualité de Miss Rubio: vocaliste hors-pair (au registre, à la justesse et à la sensibilité rares, par ces temps de brailleuses R&B à tout vent), mais aussi instrumentiste de premier plan. La cover de “When You Say You’re Sorry” de l’oublié rock band des seventies Rhinoceros évoque les performances de la grande Lynn Carey (alias Mama Lion), tandis que Grissom y décoche un chorus à décorner l’animal en question. Le languide “Border Town” ravive la flamme latina, avec un superbe solo du guitariste de Houston Kenny Cordray (qui devait héla être abattu par armes à feu quelques semaines plus tard, en mai 2017). Retour à un vintage R&B de bon aloi (entre Labelle, Aretha et les sœurs Pointer), pour le brûlant “Mistake” et le plus swing “Cruel”, avec un Mike Finnigan éblouissant aux claviers. La guitare brûlante de Grissom aux avant-postes, le rock “What A Way To Go” précède une étonnante version country-blues du standard “Besame Mucho”, avec “Sonny Boy” Terry Jerome à l’harmonica, Josh Davison au dobro et Larry Fulcher à la basse acoustique et au stompin’ foot: un intense moment de fusion entre tradition hispanique et blues roots! Pour bien enfoncer le clou, ce superbe album se clôt sur les versions en espagnol de “He Did Me Wrong, But He Did It Good”, “Cruel” et de l’emblématique “Border Town”. N’en déplaise aux bâtisseurs de murs et de clôtures, la dernière panthère soul/blues en date est Mexicaine, et cela n’a rien pour nous contrarier: si vous aimez King Curtis, Aretha Franklin et Santana, Evelyn Rubio vous fait ici la totale!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, July 15th 2020

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“One More Last Time” · Evelyn Rubio on Youtube: HERE