Livre |
Nous vous avons récemment parlé de l’ouvrage de Guillaume Nouaux, “La Naissance de La Batterie” (chroniqué ICI), véritable œuvre de bénédictin. Cette biographie “définitive” de Robert Johnson relève d’une quête obsessionnelle similaire. Répartie sur plus de cinq décennies, l’enquête minutieuse de ses deux auteurs procède en effet de la même frénésie: outre les interviews de nombreux témoins de première main patiemment recoupés, ce sont les actes de recensement de certaines des plus obscures bourgades du Sud profond, ainsi que les registres d’état-civil et ceux des sessions d’enregistrements de Johnson à San Antonio et à Dallas qui constituent la matière essentielle de cette impressionnante fresque biographique. Laquelle déconstruit maintes dimensions de la légende qui entoura (et obscurcit longtemps) l’itinéraire météorique de ce musicien fondateur (et par ailleurs initiateur du funeste “club des 27“, dont la tradition morbide semble s’être prolongée jusqu’à nos jours). Sans en divulgâcher la lecture, il faut néanmoins annoncer que ce bouquin corrige quantité d’erreurs, approximations et affabulations concernant celui que l’on désigne encore de nos jours comme le plus grand musicien du country-blues originel. À l’instar de Blake et Mortimer (ou plutôt Champollion, Sherlock Holmes et son Watson), Conforth et Warlow se sont attachés à reconstituer avec méthode la plupart des pièces manquantes permettant de retracer par le menu la saga de ce créateur séminal. Si vous croyez encore à ce bobard du diable lui étant apparu en pleine nuit à un carrefour, attendez-vous à être dessillé. Mais si par contre l’évocation de la vie itinérante des ménestrels sous la Grande Dépression vous intrigue, ainsi que celle de leurs liens et pérégrinations à travers le Mississippi ségrégationniste de l’entre-deux guerres, ce livre vous transportera jusqu’aux sources vives de toute la musique qu’on aime. Par ailleurs auteur d’une biographie extensive de Charlie Patton, le chercheur indépendant Gayle Dean Warlow (né dans le Mississippi) a amassé l’une des plus importantes collections de disques de pre-war blues au monde. Dès le début des sixties, celui-ci a recueilli maints témoignages de proches et parents de Robert Johnson, et c’est à lui que l’on doit la découverte initiale du certificat de décès de l’intéressé, parmi nombre d’autres pièces irréfutables. Né en 1950 dans le New-Jersey, Bruce Conforth obtint pour sa part une licence en ethnomusicologie auprès de l’Université de l’Indiana. Dernier détail troublant: la mère biologique de Johnson se prénommait Julia – comme celle d’un certain John Lennon, quelques décennies et milles marins plus à l’Est…
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, January 9th 2025
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Préface et traduction de Bruno Blum, 400 pages, 16,00€
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