ENSEMBLE AL-KINDI & SHEIKH HAMED DAOUD

Transe Soufie Des Derviches Tourneurs De Damas // La Courroie / Buda Musique / Socadisc
World Music
ENSEMBLE AL-KINDI & SHEIKH HAMED DAOUD

S’ouvrant sur l’appel à la prière (Azaan) tel que le psalmodient les muezzins, il est probable que cet album (capté en public près d’Avignon, à la mi-septembre 2019) ne recueillera guère d’assentiment parmi les lecteurs de Valeurs Actuelles. Quelle meilleure illustration pourtant de l’entente entre le Proche-Orient et l’Occident, que cette formation née voici quarante ans, à l’initiative du français Julien Weiss? Loin des clichés exotico-extrémistes que véhiculent maints ralliés au jihad, ce dernier (qui s’est éteint en 2015, à l’âge de 61 ans) œuvrait au contraire pour l’œcuménisme culturel auquel l’avaient mené ses études en musicologie. Au départ guitariste classique au sein de l’École Normale de Musique de Paris, Weiss y découvrit l’art du maître de l’oud irakien Mounir Bachir, dont il se débrouilla pour devenir le disciple. Converti à l’islam, il adopta alors pour instrument le qânun (cithare de table trapézoïdale à cordes pincées, lesquelles se comptent au nombre de 63 à 85, voire 102!), avant de fonder en 1983 l’Ensemble Al-Kindi. Constitué au départ comme un modeste trio destiné à revaloriser la musique savante instrumentale arabo-musulmane, la formation a évolué au fil des ans, s’ouvrant notamment à la dimension vocale, et incorporant, outre la flûte, les percussions et le qânun, d’autres instruments traditionnels tels que le riqq, le ney et l’oud. Ayant inauguré sa discographie dès 1989, Al-Kindi s’est produit de par le monde, de New-York à Hong-Kong, en passant par Sào Polo, Tunis, Istanbul, Lyon et Washington, mais n’avait plus enregistré depuis 2006. Ce nouvel album en public (son dixième) témoigne donc de la renaissance et de la vivacité d’un orchestre s’obstinant à revendiquer la vision de son créateur. Mais loin de toute recréation nostalgique, il manifeste également la persistance de son ouverture. Outre le sheikh Hamed Daoud (hymnode auprès de la Grande Mosquée des Omeyyades à Damas), il accueille désormais au qânun la Tunisienne Khadija El Afritt ainsi que deux choristes, tandis que le percussionniste Adel Shams El-Din et le flûtiste Ziad Qadi Amïn en perpétuent le noyau historique. Passé le “Azaan” introductif, cet enregistrement se décline en quatre longues pièces instrumentales et vocales, où s’illustre parfois également la tradition arabo-andalouse (“Al Nouba” et l’introduction au riqq de “Wasla Huzan”, par le virtuose Mohammed Qadri Dallal), tandis que la dimension spirituelle de l’ensemble de se départit jamais d’un profane appel à la danse. Sûr que Cabu, Wolinski, Charb, Tignous et les autres auraient chaleureusement approuvé: on ne peut pas être sourd et con à la foi(s)!

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, August 3rd 2023

:::::::::::::::::::

https://www.youtube.com/watch?v=NXQj2z5f6l0