Blues |
Que vous le gobiez ou non, on essaie une fois encore de vous faire le coup de la “new-wave-of-the-blues”. Mais la bonne nouvelle, évidemment (et heureusement), c’est que c’est à nouveau totalement erroné. Habituel bobard du “local boy makes good”, Endrick & the Sandwiches n’est rien d’autre que la sempiternelle histoire du perdreau de l’année rencontrant de vieux briscards aptes à le déniaiser. Les désignés Sandwiches s’appelaient auparavant le Outsiders Blues Band, un de ces obscurs outfits tels qu’on en compte des dizaines au Canada (tout comme en Flandre Occidentale). Des types à la redresse, exerçant tous de regular jobs la semaine, quitte à se défouler le week-end entre copains à lever des loutes dans les rades des alentours, avec le substrat de ce qu’un bon siècle de blues a légué d’ustensiles lubrificateurs. Et si vous pensez que je dénigre, vous vous fourvoyez sévère, car c’est justement là que réside tout le Saint-Frusquin du bastringue. Résumons nous: le puceau de service, Endrick Tremblay (de Mont-Tremblant, ça ne s’invente pas), rencontre en la personne de musiciens de deux fois son âge les Tontons Flingueurs qu’il lui fallait pour accéder à la majorité légale. De là, les vieux enregistrent avec lui un premier LP qui passe largement inaperçu, mais n’en dynamise pas moins leur audience en clubs. L’étape logique suivante est donc l’album live, et nous y voici. Rien de nouveau sous le soleil, ils ne reprennent ici que des standards (“Mannish Boy”, “Mystery Train”, “Scratch My Back”, “Trouble in Mind”, “You Can’t Judge A Book”): pour la nouveauté, vous repasserez plutôt voir G. Love & Special Sauce. Sauf que sans s’en rendre compte, ces gugusses redécouvrent au passage rien moins que la pierre philosophale. Ce machin qui initia le feu sacré chez d’autres zozos antédiluviens comme le Siegel-Schwall Band, le Blues Project ou le Paul Butterfield Blues Band. Et là, tout à coup, on ne plaisante plus. Ca fleure les sécrétions les plus séminales, la transpiration suinte des cloisons, les couples se forment ou se défont, mais peu importe, le mojo fait cette fois encore son office. C’est dérisoire ou fondamental, selon votre obédience, mais devinez donc vers quelle option nous inclinons.
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, December 16th 2020