Blues |
Avec plus d’un demi-siècle de carrière au compteur, Elvin BISHOP pourrait allègrement se satisfaire du statut d’icône qui lui revient de plein droit. Ne prit-il pas part à cette révolution qui, au mitan des sixties, vit de petits Blancs se mêler à leurs frangins noirs pour prêcher le blues électrique de par le monde ? Coude à coude avec un autre géant des six cordes, le regretté Mike Bloomfield, il propulsa le Butterfield Blues Band au firmament, au fil de joutes épiques qui laissèrent le public d’alors sur le flanc. Tandis qu’il eût pu briguer le même rang de guitar-hero que son alter-ego (comme l’y autorisaient ses propres apparitions aux côtés du Grateful Dead et des Allman Brothers), ce brave Elvin préféra se concentrer sur le songwriting, privilégiant dans ses performances bonne humeur et secouage de popotin. Indécrottable optimiste, il délivre à présent son vingtième album studio, tandis qu’il en compte au moins six autres en public. Que peut donc encore proposer un bluesman de 74 ans, quand il a déjà joué avec les plus grands (de B.B. King à John Lee Hooker) ? Jamais à court d’opportunités, Elvin décide cette fois encore de prendre son public par surprise, en conviant quelques vielles connaissances à se joindre à son trio de potes en goguette. Car le Big Fun Trio n’est que cela : avec pour seuls soutiens un batteur sans baguettes assis sur un cajon, et un furieux pianiste barrelhouse alternant à la guitare rythmique, Elvin laisse chanter sa slide sur une poignée de standards revisités à leur sauce, et à peine davantage d’originaux. Si l’ambiance et le groove s’avèrent aussi bon enfant que le présage la formule, les harmonies vocales d’Elvin et Willy Jordan propagent une bonne humeur communicative, et l’énumération des trois harmonicistes invités (Charlie Musselwhite, Rick Estrin et Kim Wilson) devrait suffire à mettre en appétit tout blues-fan averti. Good time blues à tous les étages !
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder