Reggae-Dub |
Natif de Nottingham (England) comme tout un sheriff, le reggae man Liam Bailey publia ses deux premiers EPs en 2010 sur Lioness Records, label de la défunte prétresse soul-trash Amy Winehouse. En matière de longs formats, sa discographie n’est guère moins chiche, puisque, outre un premier LP en 2014 (sur Flying Buddah), seul Ekundayo (sur Big Crown, maison mère d’El Michels Affair) vint à ce jour l’étoffer. Grand bidouilleur devant l’éternel, Leon Michels forma son premier band (les Mighty Imperials) ses seize ans à peine sonnés, et il était encore lycéen quand parut en 2001 leur premier album, featuring ses posses Thomas Brenneck et Howard Steinweiss. Soit l’ossature en herbe des labels Desco, Dunham puis Daptone, d’où allait déferler tout le courant néo-soul à l’aube du millénaire actuel. À la fois saxophoniste, claviériste et producteur (et successivement membre des Dap-Kings, du Menahan Street Band, ainsi que des Expressions de Lee Fields et du Budos Band), cet hyper-actif ne pouvait manquer de fonder son propre label. Ce fut donc Truth & Soul en 2004, puis à présent Big Crown. Et quel meilleur terrain d’expérimentation pour un sorcier des consoles qu’un album de reggae plan-plan encore frais? Sur le modèle des pionniers King Tubby et Lee ‘Scrach’ Perry (ce dernier effectuant d’ailleurs ici un cameo sur un titre), ce bon Leon nous livre donc une version remodelée de l’album en question (pour les éternels curieux, “Ekundayo” est une expression qui se traduit du yoruba par “le chagrin devient la joie”). Remodelée, car l’essence du dub (outre une conséquente réserve de weed bon grain) consiste à trafiquer, étirer, sampler, looper et remixer dans le désordre et en sens inverse (d’où le titre) les pistes originales d’un enregistrement qui ne vous avait pourtant rien demandé. De LKJ à Black Uhuru, et de Burning Spear à Dillinger et Clint Eastwood (le toaster jamaïcain, pas le réalisateur de “Bird” et “Gran Torino”, hein*), ce type de process dépasse souvent l’original (du moins si on le mesure en taux de THC). Le vocaliste de The Roots, Black Thought, passe au confessionnal sur le “Conquer & Divide” d’ouverture, tandis que Leon tartine le tout d’echo delay à faire défaillir n’importe quel yodéliste des Alpes suisses (ainsi que de quelques nappes de cuivres et claviers bien senties). Comme toujours en pareil cas, rien de tel pour mesurer son travail que d’en comparer le résultat avec l’édition originale de cet album, parue voici presque deux ans déjà. Ce qui vous fera deux disques pour le prix de deux: ah, ils sont décidément très forts en marketing, chez Big Crown.
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, July 30th 2021
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(*) Dans “The Rookie” (“La Relève” en VF, 1990), l’acteur Clint Eastwood n’en prononça pas moins la réplique devenue culte: “If you want a guarantee, buy a toaster”!
EL MICHELS AFFAIR meets LIAM BAILEY: un album à commander sur leur Bandcamp ICI
Dispo en numérique, CD, vinyle noir et édition limitée vinyle rouge.
El Michels Affair meets Liam Bailey – Awkward (Take 2):
El Michels Affair meets Liam Bailey – Walk With Me: