Blues |
Cela fait un bail que j’ai renoncé à compter les albums auxquels a contribué le Duke (en plus des siens, il a prêté ses six cordes à tellement d’artistes que la tâche relèverait presque d’un détective privé). La question du renouvellement ne se pose donc guère: sa palette est déjà si étendue qu’il ne s’agit désormais plus que de déterminer si on a affaire à un grand cru, ou “juste” à un album de bonne facture. Pour l’anecdote, cette rondelle résulte de deux sessions d’une après-midi, distantes d’un an en raison d’un sérieux problème d’épaule qui éloigna notre homme de son instrument de prédilection (chirurgie et rééducation). À son écoute, on mesure en tout cas que le master-guitar player n’a rien perdu de sa dextérité. Capté dans son studio à la maison, le Duke démontre cette fois encore que la seule raison pour laquelle on ne l’a pas plutôt surnommé King réside dans sa légendaire modestie! Quelques invités de renom, dont ses vieux complices (et ex-Roomful of Blues comme lui) Sugar Ray Norcia et Gordon “Sax” Beadle sur un “Last Night” dévastateur, mais aussi Jimmie Vaughan, l’ami texan que Duke remplaça un temps au sein des Fabulous Thunderbirds. Mr Robillard rend par ailleurs hommage à l’idole de Jimmie, Guitar Slim, sur un poignant “Blues For Eddie Jones”. On ne s’ennuie jamais chez le Duke, tant il sait varier les styles et les plaisirs. Ainsi de ce très louisianais “A Fool About My Money”, sur lequel son pianiste Bruce Bears s’ingénie à raviver les ombres de James Booker et Professor Longhair. La pianiste Kelley Hunt vient aussi en pousser une sur son propre “Mood Room” (du nom du studio Robillard), et Bears lui rend la politesse au Hammond B3. Qu’ajouter…? Duke Robillard demeure le plus pertinent catalogue vivant des divers styles guitaristiques qu’a traversé le blues en près d’un siècle. Quant à ce disque, c’est un excellent cru de plus, à ajouter à l’une des caves les mieux fournies en la matière.