DIZZY BRAINS – Tany Razana

Libertalia / X-Ray / Believe-Socadisc
Rock

En 2016, une reprise survoltée des “Cactus” de Jacques Dutronc (éructée dans un improbable baragouin) me tira de ma torpeur. C’est ainsi que les DIZZY BRAINS firent irruption dans un Hexagone politiquement désabusé et culturellement sinistré. La rumeur se répandit rapidement: il s’agissait d’un quatuor malgache de Tananarive, qui ne tarda pas à enflammer par ses prestations enfiévrées les Transmusicales de Rennes, Solidays et d’autres scènes belges ou québecoises. Les quatre marlous, maigres et écorchés comme des chats de gouttière, rappelaient ainsi à bon entendeur les vertus prolétariennes d’un rock indûment annexé par la bourgeoisie occidentale. Madagascar demeure en effet l’une des contrées les moins démocratiques et les plus dangereuses du monde, et les DIZZY BRAINS furent éberlués en découvrant le catering qui leur était alloué dans nos backstages européens, dépassant de loin la ration hebdomadaire d’une famille entière dans leur propre pays. Un premier album autoproduit en 2014 fut suivi l’année d’après du E.P. “Vangy”, puis de l’album “Out Of The Cage” en 2016. Pour cette nouvelle livraison, si la production s’affûte, la rage ne s’éteint nullement (“Tany Razana” signifie terre brûlée), et une section rythmique toujours aussi alerte propulse les voix multiples d’Eddy Andrianarisoa, tandis que les six cordes de Max Andriambelo s’embrasent plus que jamais en d’éruptifs cocktails molotov. “Fat Man”, “Shock My Brain”, “Week-End” et “Dirty Land” révèlent une connivence heureuse avec AC/DC circa “Dirty Deeds Done Dirt Cheap”: celui, nerveux et affamé, d’avant les stades bondés. “Give Me Some Love” ou “I Want Your Ahaha” taquinent quant à eux d’un sourire égrillard la mémoire des Troggs de “Black Bottom”. Des titres aussi explicites que “Give Me My Money (asshole)”, “Yes Sir!” ou “Mother Fucker” ne trahisssent aucune ambiguïté quant à la juste colère qui les anime. Un peu comme le MC5 en son temps (ou comme des Clash qui ne se seraient pas laissés berner par Hedi Slimane), les DIZZY BRAINS renouent pour notre plus grand bonheur avec la classe du caniveau. Un salutaire rappel au désordre, en somme…

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder