Rock 'n roll |
“Le rock’n’roll est la plus brutale, la plus hideuse, la plus prostrée, la plus vicieuse des formes d’expression qu’il m’ait malheureusement été donné d’écouter.” – Frank Sinatra. Bien que dans sa propre série de coffrets anthologiques (chez le même éditeur), l’érudit Gérard Herzhaft en fasse remonter les origines jusque 1927, maints béotiens (jusqu’à Nicolas Ungemuth, au fil d’un récent article paru dans Rock & Folk) s’obstinent à dater l’acte de naissance du rock n’ roll à ce fameux 5 juillet 1954, quand un certain Elvis Aaron Presley poussa la porte du Sun studio de Sam Phillips à Memphis. Quelque sept décennies plus tard, cela revient presque à s’imaginer encore que les petits garçons naissent dans les choux, et les petites filles dans les roses… En effet, comme le démontra le même Herzhaft, le rock fut au contraire le fruit d’une lente et progressive évolution, résultant d’une hybridation plus ou moins consciente et délibérée de genres populaires issus du hillibilly et du western swing (ancêtres de la country moderne) avec le rhythm n’ blues (hérité du blues rural), dans le contexte d’une urbanisation croissante des modes de vie américains. Et tant que nous y sommes, si l’on considéra à juste titre le rock comme une musique de danse, la simple consultation des films consacrés dès les années 40 au swing de grands orchestres tels que ceux de Duke Ellington, Count Basie, Glenn Miller ou Tommy Dorsey atteste que l’on dansait déjà le rock bien avant que le terme n’en soit usité! C’est précisément à l’issue de cette période que le non moins érudit Bruno Blum entame ce panorama en quatre CDs (et 98 titres), pour relater la maturation de ce processus, qui suscita une véritable révolution culturelle (et économique aussi). Partant du “Rock Woogie” de Jim Wynn en 1945 (swing boogie cuivré dans la veine de Louis Jordan et Wynonie Harris), il commence par en explorer les prémisses, que ce soit du côté Noir (Amos Milburn, Arthur Crudup, Jimmy McCracklin, Memphis Slim, Tiny Bradshaw, Hal Singer, Jimmy Preston, Wild Bill Moore, Jackie Brenston) ou Blanc (Red Foley, Tex Williams, Chet Atkins, Arthur Smith, Johnnie Lee Wills). Quand la sauce commence à prendre (de 1952 à 1956), on discerne déjà quelques noms plus familiers (Roy Brown, Smiley Lewis, Big Mama Thornton, Big Joe Turner, Lonnie Donegan), ainsi que ceux des premières stars du genre (Elvis, mais aussi Bill Haley, Chuck Berry, Johnny Cash, Carl Perkins, Johnny Burnette, Ray Charles, Sonny Burgess), pavant la voie pour la déferlante qui allait suivre (de Gene Vincent à Little Richard, en passant par Eddie Cochran, Wanda Jackson, Jerry Lee Lewis, Fats Domino, Bo Diddley, Buddy Holly, Roy Orbison, Lloyd Price, Larry Williams, Everly Brothers, Coasters, Ritchie Valens, Jack Scott…). Outre l’inclusion de quelques curiosités pertinentes (le “Marihuana Boogie” du pachuco Lalo Guerrero, “Love Me” par l’obscur et mythique The Phantom, ou encore le “Your Love” d’un certain Lewis Reed – futur Lou – en 1962), celles de précurseurs du ska tels que le méconnu Theophilus Beckford ou un très jeune Bob Marley, ainsi que des premiers balbutiements du rock dans notre Hexagone (via Magali Noël, Johnny Halliday, Henri Salvador ou les Chaussettes Noires), et de quelques échantillons représentatifs du rock instrumental (Dick Dale, Spotnicks, Ventures, Shadows, Chantays) complètent le tableau à bon escient (sans omettre ses occurrences outre-Manche, avec Tommy Steele, Cliff Richard, Marty Wilde, Billy Fury, Vince Taylor et Johnny Kidd). Ce coffret richement documenté se referme sur l’avènement des Beatles et des Beach Boys, préfigurant alors un nouveau chapitre du bouleversement en cours. Aussi fun que didactique, enfin un juke-box s’écartant un tantinet des poncifs!
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, September 28th 2024
Follow PARIS-MOVE on X
::::::::::::::::::::::::::
Coffret à commander ICI
98 titres – Notices par ordre alphabétique à l’intérieur du livret.
Durée totale: 4 heures 6 minutes
CD 49,99 € – Digital 29,95 €