David Occhipinti – Camera Lucida (FR review)

Elastic Recordings – Street date : September 12, 2025
Classique, Jazz
David Occhipinti - Camera Lucida

Camera Lucida : David Occhipinti fait son cinema.

Il ne s’agit pas, à proprement parler, d’un album de jazz. Ce n’est pas non plus un disque classique au sens traditionnel. Le compositeur et guitariste canadien David Occhipinti a plutôt façonné une œuvre qui habite un espace liminal entre musique de chambre, paysages sonores cinématographiques et improvisation. Camera Lucida se déploie moins comme un récital que comme une suite de vignettes lumineuses, la bande originale d’un film qui n’existe que dans l’imaginaire de l’auditeur. On pourrait avancer que l’imagination dalinienne d’Occhipinti atteint ici sa pleine floraison, l’album présentant huit nouvelles compositions où l’élégance de l’écriture de chambre croise l’intimité de la guitare solo, interprétées par certains des plus grands musiciens canadiens.

Le parcours d’Occhipinti avec le Camera Ensemble a commencé il y a plus de dix ans. En 2012, il publiait son premier enregistrement sous ce nom, un projet qui suscita immédiatement l’admiration de son légendaire mentor Jim Hall, lequel le qualifia de «bijou absolu… son écriture est unique, son jeu totalement original et stupéfiant… une véritable œuvre d’art.» Cet enregistrement comprenait la Banff Suite, une œuvre pour guitare, clarinette, basson, marimba, violon, alto, violoncelle et contrebasse, ainsi qu’une suite pour guitare et quatuor à cordes. Dès cette époque, Occhipinti signalait qu’il s’intéressait moins à occuper un genre qu’à peindre avec le son.

Cette sensibilité picturale imprègne Camera Lucida. Aborder cet album revient à voir un artiste superposer des tons et des textures comme on pose des pigments sur une toile, bâtissant des atmosphères avant d’y appliquer le glacis final qui les préservera pour la postérité. Ce qui importe ici, c’est le dialogue entre le compositeur-interprète et la musique elle-même. Occhipinti s’inscrit dans ses œuvres avec une précision ciselée, sculptant les silences, tournant autour des phrases, offrant des réponses qui semblent tantôt provoquer l’ensemble, tantôt lui répondre. Parfois, on a le sentiment que ce sont les compositions elles-mêmes qui dialoguent avec lui; parfois, c’est sa présence qui guide et redessine le paysage sonore. L’effet est envoûtant, une succession de surprises qui incite l’auditeur à tendre l’oreille, à attendre le prochain tournant. En cela, Occhipinti se situe au-dessus d’une grande partie de la production actuelle, non par la seule virtuosité, mais parce que sa vision de l’art semble parfois dépasser même les œuvres qui la portent.

La distribution des musiciens reflète cette ambition. Max Christie, membre de l’Orchestre du Ballet national du Canada, prête sa voix à la clarinette et à la clarinette basse. Fraser Jackson, du Toronto Symphony Orchestra, joue le basson sur Octavia. Andy Ballantyne fait une apparition en invité au piccolo dans Promised Kiss. Ces choix invitent une question provocatrice: Occhipinti ne composerait-il pas, consciemment ou non, pour la danse? Le ballet est depuis longtemps un terrain fertile pour la créativité canadienne, donnant souvent naissance à des œuvres qui s’écartent audacieusement des normes internationales. On pourrait aisément imaginer ces pièces transposées sur scène, leur dialogue fluide entre structure et improvisation faisant écho à la tension entre chorégraphie et liberté.

En fin de compte, Camera Lucida est un album destiné aux amoureux des arts, au sens le plus large du terme. Que vous veniez du monde du jazz ou de la musique classique, vous trouverez ici une rare clarté intellectuelle et une sincérité artistique immédiatement séduisante. C’est un enregistrement à vivre lentement, à absorber avec la même patience contemplative que l’on réserve à une toile ou à un film. Les mots de Jim Hall restent aujourd’hui aussi pertinents qu’il y a plus de dix ans: «un bijou absolu… son écriture est unique, son jeu totalement original et stupéfiant… une véritable œuvre d’art.»

Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News

PARIS-MOVE, August 27th 2025

Follow PARIS-MOVE on X

::::::::::::::::::::::::

To buy this album

Website

 

Camera Ensemble:
David Occhipinti – guitar
Michael Davidson – vibraphone and marimba
Dan Fortin – contrabass
Aline Homzy – violin
Virginia MacDonald – clarinet (Ice Dance)

Special Guests:
Max Christie – clarinet and bass clarinet
Fraser Jackson – bassoon (Octavia)
Andy Ballantyne – piccolo (Promised Kiss)

Track Listing :
Ice Dance
Song of Calypso
Southwark
Canticum Abasi
Promised Kiss
Playtime
Octaviaµ
Seurat Cha-Cha

All compositions by David Occhipinti
Ice Dance and Playtime are dedicated to Sofia Occhipinti

Thanks to: Beverley Johnston, Max Filazek, Alex Goodman, Daniela Lorenzi – A14 -Milan
Special thanks: Sofia Occhipinti, Mascia Manunza, and Fozzie

Recorded at Revolution Studios – Toronto, Canada, October 10, 11, 2023
Recording engineer: Luke Schindler
Assistant engineers: Matteo Peraccini, Christine Stoesser
Additional recording at Occdav studios June, 2024
Mixed by Occdav
Mastered by Sean Magee at Abbey Road Studios – London
Cover art etching by Mascia Manunza
Photography by Jen Squires
Design by Cristina Cannas and Susanna Ricci