DAVID DEACON – Four

Slammin Media / Believe Distribution
Americana, Blues
DAVID DEACON - Four

Le poète, graphiste et musicien canadien David Deacon nous propose son quatrième album au fil d’une vie bien remplie. Jeune étudiant en art à la Brock University d’Ottawa dans les seventies, il y monta sa première exposition (et son premier festival folk) pour s’en faire exclure avant de migrer à Paris. De retour au pays, il y embrassa plusieurs carrières successives ou parallèles (courtier, coureur de courses motocyclistes et automobiles), se maria (et divorça) à trois reprises, tout en poursuivant ses ambitions littéraires et artistiques. Un sévère accident de moto ne le réforma pas pour autant de la compétition mécanique, tandis qu’il commençait dans les années 90 (un peu à la manière d’une Patti Smith avant lui) à lire sa poésie en public, avec l’accompagnement d’un live band en arrière-plan. S’en suivit la publication de trois CDs au cours de cette décennie, durant laquelle il établit résidence chaque jeudi soir au club The Rex de Toronto, et anima une émission de radio hebdomadaire. Les deux premières décennies de ce millénaire le virent s’engager dans d’autres aventures encore (une start-up de véhicules hybrides, une organisation non gouvernementale de micro-crédit en Afrique du Sud…), avant que ne sonne l’heure d’une retraite bien méritée. Mais on ne change pas si aisément les rayures du zèbre: que croyez-vous que David fit, dès que Deacon retrouva sa liberté? Vous l’avez deviné, il revint illico à ses premières amours: l’art graphique, la poésie et la musique. Dès le boogie qui ouvre le ban entre Canned Heat et John Lee Hooker (“No Never Mind”), David renoue avec ce blues qui le foudroya l’année de ses seize ans, à un gig de Buddy Guy au Mariposa Folk Festival. Drivé par un piano bastringue de premier ordre, auquel s’ajoutent des chœurs féminins et une guitare incendiaire, on peut y déplorer qu’aucun des musiciens ne soit cité parmi les crédits! Le timbre voilé et rocailleux de l’âge mur (sans doute accentué par une tabagie savamment entretenue) patine les ballades mélancoliques “Arc Of Life” et “Poetry”, tandis que l’hymne (autobiographique) à la résilience “Rising Up Again” et “Hard Time” évoquent le Bob Dylan éraillé actuel. Contrairement à ce que pourrait induire son titre, l’acerbe mid-tempo “California Has No Winter” ne célèbre en rien l’âge idyllique d’Aquarius, mais déplore plutôt les affres qu’y inflige au microcosme le drastique changement climatique contemporain, et l’on y comprend pourquoi certains critiques ont dépeint David Deacon comme “un Leonard Cohen qui roulerait à moto”. Les couleurs agrestes et paresseusement ensoleillées que pouvaient apposer J.J. Cale et Mark Knopfler à leurs productions des nineties nimbent “Only In Her Dreams”, “Simplify” et “Jane”: acoustic guitars strumming, zébrés de soli électrifiés sur fond de maraccas et de chœurs féminins (pour les deux premiers), et d’un languide shuffle semi-jazzy (pour le troisième), tandis que le chaloupé “Waving Free” conclusif renvoie à la geste immémoriale de Tom Waits. Un disque qui contentera sans doute les fans de Dire Straits et les inconsolables du reclus de Tulsa.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, May 3rd 2023

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https://www.youtube.com/watch?v=4HQE1tFEoxw