DAVE BRUBECK TRIO – Live From Vienna 1967

Brubeck Editions / MVD
Jazz
DAVE BRUBECK TRIO - Live From Vienna 1967

L’an était 1967, et l’humeur maussade. En effet, le lendemain du 11 novembre de ce millésime, tandis que l’historique Dave Brubeck Quartet abordait l’ultime date de sa tournée européenne d’adieu, l’un de ses mousquetaires manquait à l’appel. Et non des moindres, puisqu’il s’agissait en l’occurrence de Paul Desmond. Compositeur du légendaire “Take Five” (qui installa la formation au frontispice de l’histoire de jazz moderne), le saxophoniste s’était en effet laissé embringuer la nuit précédente parmi les miasmes de la fameuse Reeperbahn de Hambourg, où une formation de Liverpool (connue ensuite sous le sobriquet saugrenu de Scarabées) avait déjà jeté sa gourme aux orties quelques années auparavant. Manquant à l’appel de ce concert viennois, l’homme aux anches réputées (sans doute alors perdu entre d’autres hanches plus accueillantes) laissait donc ses comparses affronter seuls la conclusion de ce périple européen. Comme l’indique Darius Brubeck, fils de son père, le Dave Brubeck Quartet donnait d’ordinaire ses meilleures prestations quand son leader était en colère. Et en ce 12 novembre 67, Dave Brubeck n’était pas simplement contrarié: il était carrément fumasse! Dès le “St. Louis Blues” d’ouverture (vieillie scie dont tout le monde fit ses choux gras, de Louis Armstrong au Flamin’ Groovies), on mesure l’état d’esprit des trois laissés pour compte: crânement exonérés du rôle réducteur de faire-valoir du saxophoniste déserteur, le leader officiel et sa section rythmique se la jouèrent commando: quasiment un solo chacun par titre. Et le moindre ne fut sans doute pas le premier de l’émérite drummer Joe Morello, qui démontra d’emblée pourquoi Pro Mark avait estampillé de son blase son modèle de baguettes 11A. Seul original de la plume du leader, “One Moment Worth Years” se déploie ici sur dix minutes selon l’hommage à Fats Waller initialement désiré, et la contrebasse d’Eugene Wright et les balais de Morello y renouent avec l’orthodoxie strictement ternaire dont leurs succès avec “Take Five” et “Blue Rondo A La Turk” les avaient supposément affranchis. Le solo de Wright (citant brièvement le “Mon Homme” de Mistinguett!) n’en mérite pas moins son tonnerre d’applaudissements. Fermement résolus à n’interpréter aucune composition du fâcheux absentéiste, les trois compères revisitent ici avec bonheur des standards tels que “Swanee River”, “La Paloma Azul”, “Take The A Train” et ce “Someday My Prince Will Come” que chérissaient tout autant Bill Evans et Miles Davis. Déjà publié l’an dernier au seul format vinyle (chez Edition Ö1-ORF), cet enregistrement unique du Dave Brubeck Quartet en Trio (vous suivez?) bénéficie en outre d’une prise de son et d’un mastering à tomber. Ne vous privez pas d’un tel bonheur.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, April 23rd 2022

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