Dave Bristow – Sides (FR review)

Self release – Street date : October 10, 2025
Jazz
Dave Bristow – Sides

Un pianiste britannique traverse la Manche – et les frontières stylistiques – avec une mosaïque de jazz riche et vibrante.

Considérez ce sous-titre comme une mise en situation: un Anglais qui a traversé la Manche et qui, peut‑être en y puisant une forme d’inspiration, nous offre ici une démonstration captivante de son identité musicale. Plus qu’un simple assemblage de morceaux, c’est une proposition cohérente qui témoigne de l’ampleur et de la profondeur de son art. Le projet s’enracine dans des formes classiques et acoustiques, mais refuse obstinément de se laisser enfermer dans une seule case. C’est du jazz, certes, mais un jazz en patchwork: une tapisserie cousue main, composée des multiples passions et références qui animent l’univers intérieur de cet artiste.

À travers neuf pièces distinctes mais étroitement liées, le pianiste et son groupe explorent un paysage sonore d’une étonnante variété. Par moments, la musique explose en passages de bebop fougueux; ailleurs, elle s’abandonne à des atmosphères tropicales baignées de lumière. Cette dualité, ce refus des frontières établies, donne à l’album une vitalité singulière. Dave Bristow, compositeur, pianiste et, d’une certaine manière, véritable curateur, nous invite à suivre l’évolution de sa voix et de celle de son ensemble, saisie lors de deux sessions d’enregistrement espacées de quatorze mois. Le tout se déroule sur fond de monde fracturé, marqué par la volatilité socio‑économique et la dissonance persistante de la politique post‑pandémique.

La musique elle‑même reflète cette confusion: sinueuse, chaotique, parfois volontairement irrésolue. Mais, au cœur de cette turbulence improvisée, on trouve une force contraire: structure, clarté et lignes mélodiques accessibles, qui offrent consolation et même beauté. C’est un jazz qui ne cherche pas à flatter l’auditeur, mais qui ne l’exclut pas non plus. Il interpelle, provoque et réconforte dans un même mouvement.

C’est là, en somme, la clé pour déverrouiller l’architecture à multiples strates de l’album: une expression tourmentée pour une époque tourmentée, déclinée en neuf tableaux. Un moment fort se distingue: la participation du guitariste Mike Stern sur le titre Buddha. Sa sonorité – clin d’œil assumé à d’autres décennies, agit comme une capsule temporelle pour les auditeurs familiers de son œuvre, reliant les époques à travers un simple phrasé

Quant à Bristow, on retrouve dans son jeu et son style de composition des résonances qui rappelle son compatriote Gwilym Simcock, une comparaison pertinente, d’autant plus que les deux musiciens sont diplômés de l’Université de Manchester. Tous deux dégagent une assurance tranquille dans l’écriture. Bristow s’en distingue peut‑être par son approche plus ouverte de l’arrangement, privilégiant la substance à la surface. Ce choix artistique engendre une atmosphère plutôt qu’une ornementation, un climat plutôt qu’un simple effet.

L’album n’en reste pas moins exigeant. Il s’adresse à un auditoire averti, prêt à s’immerger et à mobiliser sa mémoire du jazz pour reconnaître les multiples clins d’œil qui nourrissent la narration musicale de Bristow.

Il faut toutefois noter ce qui est pour moi une fausse note: la piste 6, Rêverie d’automne, avec son texte pseudo‑poétique et une voix éthérée adoptant un style actuellement très répandu chez certains artistes français en quête de crédibilité intellectuelle. Le résultat, hélas, se révèle plus embarrassant qu’émouvant. Heureusement, l’album retrouve rapidement son équilibre et replonge dans un jazz qui récompense une écoute attentive. Au cœur du quintette, la trompette et le saxophone se partagent le rôle de conteurs, se répondant comme deux voix complices qui s’aventurent parfois jusqu’aux limites d’une dissonance bienvenue.

Au final, cet album n’est pas qu’une réalisation achevée: c’est une promesse. Ou plutôt, le signe avant‑coureur d’un collectif encore en pleine construction, mais déjà prêt à franchir un nouveau palier. Si ce quintette parvient à maintenir sa cohésion actuelle, il y a fort à parier que les années à venir nous réservent de très belles surprises.

Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News

PARIS-MOVE, August 6th 2025

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Website

Musicians:
Dave Bristow | Piano, Compositions
Christian Altehülshorst | Trumpet
Félix Hardouin | Alto Saxophone
Gabriel Pierre | Double Bass
Guillaume Prévost | Drums

Featuring:
Mike Stern | Electric Guitar (Tracks 2 & 3)
Gabriel Pierre | Double Bass (Track 6)
Caloé | Vocals (Track 6)
Katrin-Merili Poom | Vocals (Track 9)
Gustave Reichert | Electric Guitar (Track 9)
Tommy Scott | Fender Rhodes (Track 9)

Tracklist:
Stars Of Orion
Lightspeed (feat. Mike Stern)
The Buddha (feat. Mike Stern)
Magenta
We Three
Rêverie d’Automne (feat. Caloé & Gabriel Pierre)
Rauschenberg
The Man From Lahore
The End (feat. Katrin-Merili Poom, Gustave Reichert & Tommy Scott)