Folk |
Sous sa pochette réminiscente de celle du “Philosopher’s Stone” de Van Morrison, le troisième album du Pennsylvanien Daniel Nestlerode témoigne du chemin parcouru par cet éternel déraciné. Après avoir grandi en Californie, il a en effet vécu sept ans près de Cambridge au Royaume-Uni, où il rencontra puis épousa une Française qui lui donna un fils, avant que le Brexit n’incite leur foyer à s’expatrier dans la région d’origine de cette dernière, la Picardie. Cet émérite interprète de bluegrass et de folk n’a pas tardé à s’y acclimater, la ruralité de l’Aisne n’ayant souvent guère à envier à celles de la verte Albion et des Appalaches. Pour ce qui est du language par contre, Daniel a encore un peu de chemin à parcourir, mais personne n’ira lui chercher des noises (faux-ami chez les anglophones, au passage) pour continuer à s’exprimer artistiquement dans sa langue natale. Heureux enfants bilingues que les siens, d’ores et déjà prédisposés à recueillir en Hexagonie de bonnes notes dans la langue de Shakespeare et de Byron… Comme ses deux prédécesseurs, c’est sous la houlette du producteur (et multi-instrumentiste) Chris Pepper que furent enregistrés les douze titres de cette nouvelle livraison. En mandoliniste accompli, Daniel Nestlerode s’exprime ici autant sur les variantes acoustiques de l’instrument que sur les amplifiées, comme l’illustrent la brêve intro instrumentale que constitue “White Flower Waltz”, et sa reprise extensive en conclusion. Les autobiographiques “Unexpectedly” et “Living The Dream” célèbrent respectivement sa rencontre avec sa Claudine, et leur nouvelle vie près de Laon. Seul titre intégralement francophone de cette collection, “C’est Noyé” s’avère en fait une reprise de la chanteuse et joueuse d’ukulélé américaine Victoria Vox. Hommage aux vagues migratoires successives qui peuplèrent la Grande-Bretagne, l’instrumental titulaire expose quant à lui l’influence inattendue que revendique Daniel de l’un de nos bardes gaulois : celle d’Hugues Aufray! Trois standards traditionnels du répertoire folk (“The Vacant Chair”, “The Party Glass” et le magistral reel instrumental “Blackberry Blossom”) attestent néanmoins son indéfectible attachement au patrimoine qu’il partage avec certains de ses aînés compatriotes, naguère réunis par le grand Roger McGuinn sur son propre “Treasures From The Folk Den”. Lorsque l’orchestration inclut une section rythmique (comme sur le mélancolique “After All”), c’est Pepper qui y actionne les baguettes légères, tandis que Mike Coombs lui adjoint une discrète contrebasse. La tonalité dominante demeure toutefois largement acoustique, comme en témoignent encore les intimistes “Being A Boy” et “Tout Ce Qui Fait Toi” (décrivant avec une touchante délicatesse les sentiments que lui inspire la paternité). Un album aussi raffiné que séduisant, en adéquation avec le charme agreste qu’affiche son art work.
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, July 8th 2020