Daniel Darc – La Taille De Mon Âme

Sony Music
Rock

Le cinquième opus de Daniel Darc a ceci de commun avec les précédents qu’il ne passe pas inaperçu. Et ce, d’autant que celui-ci est le premier qu’il signe chez Sony. Habile dosage de mélodies baroques, ‘Ana’ où les seuls claviers de Laurent Marimbert et le violoncelle de Jean-François Assy illustrent le texte de Daniel Darc, ou ‘Vers l’infini’, chanson gainsbourienne, ‘My Baby Left Me’, avec un pied déjà dans la mélodie rock’n’rollienne, ou de morceaux carrément rock’n’roll comme ‘Quelqu’un qui n’a pas besoin de moi’. Quand ce ne sont pas à des chansons qui évoquent des bandes originales de film jamais tournés, ‘C’était mieux avant’, que l’on pense.
L’album est encore plus déconcertant si l’on prend le temps de s’arrêter sur les superbes textes de Daniel Darc. Autobiographiques pour certains, ils plongent dans le passé de l’auteur qui n’arrive que difficilement à accepter le temps qui passe, les amis partis définitivement ou ceux partis ailleurs, tout comme ces textes qui évoquent les blessures que la vie lui a infligé.
Tantôt porté par l’autodérision, Daniel Darc ne peut s’empêcher de porter sur lui-même un regard complaisant. Un peu comme si, avec le temps qui passe, il avait appris non seulement à soigner plaies et écorchures, mais aussi à les relativiser.
Tous ces aspects apparemment contradictoires peuvent se retrouver dans la distribution des clichés qui accompagnent l’ouvrage: sur la pochette du disque, la photo le représente agenouillé dans la nef d’une église, comme en paix avec lui-même. Au verso de celle-ci, par contre, c’est dans une posture beaucoup plus préoccupante qu’il se trouve. Refermé sur lui-même, les bras serrés devant lui, comme pour se protéger, et la tête baissée. Comme les deux faces d’une seule et même personne parfois fragile, parfois plus forte, parce que sereine…
Et il en est de même avec les clichés qui se trouvent dans le livret qui accompagne la galette. L’auteur y affiche et se réclame de l’appartenance à une église et du bien que lui procure la foi. Il se dévoile tel qu’il est vraiment, et n’hésite pas à nous dévisager! Mais au verso, il se voile la face des deux mains. Que veut-il donc ne pas vouloir voir?
Si l’on ouvre la pochette, on y voit, seule sur le sable, une paire de chaussures. Si l’on ouvre le livret, la photo au centre de celui-ci nous dévoile la plage à l’identique, mais avec deux clichés de la même personne à deux époques différentes. A gauche, un enfant (Daniel Darc??) qui pose en short devant l’appareil des parents, et à droite, sans doute le même, un tantinet amusé par la similitude du lieu et le temps qui est passé, le faisant tel qu’il est aujourd’hui!
Jamais, peut-être, les photographies n’ont autant été représentatives du parcours d’un artiste. Des photographies à regarder avec attention tout en écoutant ce disque et en découvrant les superbes textes d’un Daniel Darc à qui l’on ne peut que souhaiter, maintenant qu’il a été amené à quitter un label pour un autre, le même succès qu’un Claude Nougaro que l’on invita, lui aussi, à quitter un label pour aller faire un ‘Nougayork’ ailleurs, en son temps, en 1988!

Dominique Boulay
Paris-Move, Blues Magazine