Blues |
À ne pas confondre avec feu Dickie Harrell (regretté batteur originel des Blue Caps de Gene Vincent, disparu le 31 mai 2023), le jeune D’Kieran Harrell (né en 1998 à Ruston, en Louisiane) est la dernière découverte en date de Bruce Iglauer. Sensibilisé à l’écoute de B.B. King dès son plus jeune âge, D.K. s’immergea dans le blues à la prime adolescence, en visionnant chez ses parents des films tels que “Cadillac Records”, “Ray” ou “The Blues Brothers”. Après s’être vu offrir sa première guitare pour son douzième anniversaire, il commença à étudier l’art et le geste de B.B. sur tous les supports qu’il put trouver (depuis ses enregistrements jusqu’à ses nombreuses vidéos disponibles sur le net), tout en esquissant ses propres premières compositions. Son tout premier engagement professionnel consista à se produire lors du B.B. King Symposium qui se tient chaque année à Indianola (Mississippi), lieu de naissance de ce dernier, où il eut l’honneur d’interpréter “The Thrill Is Gone” sur la guitare de son idole (la fameuse Lucille), en compagnie de certains membres de l’orchestre du défunt. En 2022, il remporta le B.B. King Of The Blues Award for Preserving Traditional Blues Heritage, organisé par la Jus’Blues Music Foundation, avant d’enregistrer l’année suivante son tout premier album, (“The Right Man”, sur le label Little Village), qui le mena sur maintes scènes des States, mais aussi du Canada jusqu’en Belgique, en passant par l’Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège, l’Espagne et la France. Après s’être vu attribuer le Prix du Meilleur Artiste Émergent par la Blues Foundation, D.K. propose donc à présent son second essai discographique. Désormais au catalogue du label au saurien (sur la foi de ses performances scéniques), celui-ci bénéficie cette fois de moyens considérablement accrus. Enregistré sous la houlette de Kid Andersen (dans ses propres studios Greaseland, à San Jose), on y retrouve pour l’entourer le grand Jim Pugh aux claviers, les batteurs June Core (Little Charlie & The Nightcats, Chris Cain, Tommy Castro, Big Harp George…) et Derrick “D’Mar” Martin (Little Richard, Rick Estrin & The Nightcats, Albert Castiglia…), Andersen en personne à la guitare rythmique, ainsi qu’un aréopage de cuivres (parmi lesquels les vétérans Terry Hanck et Eric Spaulding), cordes, percussions et choristes, sans oublier quelques guests vocaux tels qu’Alabama Mike, Anthony Boyd, Tia Carroll et Deb Lubin. S’ouvrant sur le bien intitulé “A Little Taste”, c’est paradoxalement l’influence des deux Albert (King et Collins), ainsi que celle de l’immense Freddie King, qui s’y manifestent de prime abord. Les cuivres pétaradent comme lors de la période Atlantic de ce dernier, et Pugh s’y fend d’un gouleyant solo de Hammond, avant de céder le pas à la Gibson (forcément rouge) de son protégé. Tout aussi funky (mais un brin plus lascif), “Grown Now” (par ailleurs pré-publié en single – quoi que cela puisse signifier de nos jours) présente tout ce qui faisait se pâmer les ladies aux concerts des glorieux aînés précités : des licks foudroyants et gorgés de sustain, sur tapis moelleux de cuivres et section rythmique dansante au possible (notamment grâce à l’excellent bassiste Andrew Moss). Ce sont toujours les ombres de Freddie et Albert qu’évoque la tonitruante plage titulaire (la guitare y épousant tour à tour leurs maniérismes), et il n’est que temps de signaler que notre nouveau venu s’avère en outre un chanteur des plus convaincants. Sur un proto-disco beat façon Gloria Gaynor, l’enlevé “PTLD” rappelle les tentatives de Freddie et B.B. en la matière. Le mellow slow “Life’s Lessons” traduit enfin LA référence revendiquée de notre D.K., et c’est effectivement une imitation des plus réussies de Riley Ben King, tandis que “A Good Man” persiste sur ses travées (avec cette fois une touche gospel-soul rehaussée de chœurs féminins et du piano de Pugh). Le B.B. King festival se poursuit avec un “Vibe With Me” en mid-tempo, et ourlé de cuivres veloutés : typiquement le genre de piste de décollage sur laquelle Lucille prenait le plus souvent son envol, et celle de D.K. ne s’en prive évidemment pas non plus. Dans la veine de certains hits de George Benson, “Into The Room” frôle dangereusement la bande FM et la boule à facettes, et on se prend à y subodorer une potentielle sortie de secours (voire de route) pour le jeune Harrell, si d’aventure sa greffe blues ne prenait finalement pas. Avec sa section de cordes de chambre, le crooning “No Thanks To You” conforte ce malaise. Nous n’avons rien contre la lounge soul (au contraire), mais que quelqu’un le signale donc à notre impétrant: bon Dieu, camarade, choisis ton camp! Le double-shuffle jump “Liquor Stores And Legs” vient replacer l’église au centre du village, en rappelant à point nommé les riches heures de “B.B. King Live At The Regal”, tous cuivres et guitar spades dehors, tandis que “What Real Men Do” revient aux arcanes du non moins regretté Albert King, et que le “Praise The Blues” conclusif nous ramène à l’église pour un gospel devant presque autant à Ray Charles et au Golden Gate Quartet qu’à Hank Ballard. Verdict: élève doué et assidu, devra néanmoins confirmer ses efforts au second semestre, et surtout préciser son orientation. Encouragements du conseil des professeurs.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, June 10th 2025
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Tracklisting:
1. A Little Taste 4:04
2. Grown Now 3:52
3. Talkin’ Heavy 5:02
4. PTLD 4:00
5. Life’s Lessons 4:00
6. Good Man 3:32
7. Vibe With Me 4:36
8. Into The Room 3:34
9. No Thanks To You 4:14
10. Liquor Stores And Legs 3:29
11. What Real Men Do 4:16
12. Praise These Blues 3:24
Musicians:
D.K. Harrell: Lead Vocals and Lead Guitar
Andrew Moss: Bass
Kid Andersen: Rhythm Guitar
Jim Pugh: Organ and Piano
With:
June Core: Drums (1, 5, 7, 10, 11, 12)
Derrick “D’Mar” Martin: Drums (2, 3, 4, 6, 8, 9)
Vicki Randle: Percussion and Congas (1, 3, 8, 9) Vocals (4, 8, 9, 12)
Aaron Lington: Baritone Sax (1, 4, 5, 6, 7, 11) Tenor Sax (2, 3, 4, 6, 7, 8, 10, 11) Flute (8), Horn Arrangement (6, 7, 11)
Mike Rinta: Trombone (2, 3, 4, 6, 7, 8, 10, 11); Horn Arrangement (2, 3, 4, 8, 10); String Arrangement (9)
Niel Levonius: Trumpet (2, 3, 4, 6, 7, 8, 10, 11)
Lisa Leuschner Andersen: Background Vocals (4, 6, 8, 9, 11, 12)
Tia Carroll: Background Vocals (6, 9, 11)
Cathy Lemons: Background Vocals (6, 11)
Russ Bryant: Tenor Sax (1, 5)
John Dupre: Trumpet (1, 5)
Terry Hanck: Tenor Sax Fills (5)
Eric Spaulding: Tenor Sax Fills (7)
Don Dally: Violin and Viola (9)
Nikki Welch: Cello (9)
Alabama Mike: Vocals (12)
Anthony Boyd: Vocals (12)
Deb Lubin: Vocals (12)