Funk, Soul |
Rejetons d’immigrants londoniens issus de la communauté afro-caraïbéenne (Guyane, Jamaïque et Saint-Vincent), les membres fondateurs du combo funk Cymande furent découverts en 1971 par le producteur anglais John Schroeder, tandis qu’ils se produisaient dans un club rhythm n’ blues de Soho. Signés sur Janus Records (label fondé en 1969 sous l’égide de GRT et Pye, et qui comptait à son catalogue Mungo Jerry et Status Quo, ainsi que Harvey Mandel et Baker Gurvitz Army pour sa branche US), ils publièrent trois albums remarqués de 1972 à 1974, accomplissant l’exploit de s’avérer la toute première formation anglaise à se produire en vedette à l’Apollo Theater de Harlem. L’insuccès de leur troisième LP (“Promised Heights”, sur Contempo) provoqua leur séparation, ainsi que l’ajournement de son successeur (alors pourtant déjà enregistré). Celui-ci (“Arrival”) ne devait finalement paraître qu’en 1981, mais la formation ne donna dès lors plus de nouvelles jusqu’en 2015. Plus de quarante ans plus tard (et après que les scènes hip-hop et acid-jazz eussent largement samplé certains de leurs grooves), Cymande publia à la surprise générale un cinquième opus (“A Simple Act Of Faith”), et alors qu’un documentaire lui était consacré en 2022 (“Getting It Back: The Story of Cymande”), ces hérauts de maints Blaxploitation scores nous reviennent à présent avec un plein album original (sous la houlette des membres fondateurs le guitariste Patrick Patterson et le bassiste Steve Scipio, avec l’adjonction du vocaliste Raymond Simpson et du batteur extraordinaire Richard Bailey). Et tandis que la plupart de ces reformations tardives accusent de poussifs relents de réchauffé, force est d’admettre que le fumet qu’exhale cette nouvelle moisson se hisse bien au-delà les maigres attentes qu’elle pouvait susciter. Dès son intro, le single “Chasing An Empty Dream” nous ramène au cœur de la time-capsule qu’exploraient voici un demi-siècle des formations telles que War, les Bar-Kays et les Temptations de “Cloud Nine”, avec ses cuivres afrobeat et ses arrangements de cordes entre Norman Whitfield et Isaac Hayes (soit ce que les poseurs d’étiquettes appelaient alors psychedelic-soul). La basse de Scipio s’y révèle toujours aussi cruciale, et les arpèges de la guitare de Patterson en prennent le contrepied sur le délicat “Road To Zion” (écho à la face B de leur tout premier single), où cordes et vocals tiennent magistralement le premier rang. Celeste (Celeste Epiphany Waite, la chanteuse britannique née aux States, pas l’épouse de Babar) interprète le plutôt convenu “Only One Way”, avant que nos amis ne reprennent les rênes pour un “Coltrane” et un “I Wanna Know” devant tous deux autant au “Inner City Blues” de Marvin Gaye qu’à Gil Scott-Heron et Brian Jackson (ces congas chaloupés sur tapis de cordes). La basse constrictor de Scipio en assure à nouveau le mouvement ondulatoire: assurément l’un des sommets de cet album inespéré, auquel succède le cuivré et syncopé “Sweeden”. Avec un cameo de Jazzie B (co-fondateur du collectif Soul II Soul) sur son pont parlé, “How We Roll” est le pendant du légendaire “What’s Going On” de l’éternellement regretté Marvin. Gospel soul with a jazzy vibe and a message: another peak, sisters and brothers, y’all ! La ballade “Heart Of The Willing” propose un relatif répit, avant que la touche caraïbéenne de “Darkest Night” et “Carry The Word” ne conclue à point nommé sur le déhanché des Neville Brothers de “Yellow Moon”, par la grâce mêlée des sticks de Bailey et du percussionniste Donald Gamble. Ah ben mince, ça alors.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, January 13th 2025
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Getting It Back: The Story of Cymande trailer/ In cinemas 16 February 2024/ BFI: