CONNOR BRACKEN & THE MOTHER LEEDS BAND

Nightbird Motel // Noble
Classic Rock
CONNOR BRACKEN & THE MOTHER LEEDS BAND

Comme en témoigne l’histoire du rock (mais également celles du folk, de la soul, de la country, du reggae et du classique), le monde de la musique est un grand précurseur de l’économie circulaire. Au point que la notion de droit d’auteur finit par y sembler une vaste foutaise. Prenez donc ici “Darkness”, qui s’avère le plus malin recyclage à ce jour du “Gimme Shelter” des Stones. Lesquels n’y trouveront probablement guère à redire, vu que ce dernier n’était autre que le pastiche de leur propre “Under My Thumb”. Si vous désirez vérifier, demandez donc à n’importe quel guitariste débutant (ou ouvrez tout simplement vos tympans) et n’oubliez pas de me citer au passage. Bref, puisqu’ils sont originaires d’Asbury Park (New Jersey), tout comme certains Bruce Springsteen et Southside Johnny, la tentation est grande pour les attachés de presse d’y déceler une filiation, mais celle-ci s’avère de fait beaucoup plus vaste que leur géo-localisation ne semble l’indiquer. Avec son proto-skank, le single “Photographs Of Johnny Cash” renvoie ainsi au “Revolution Rock” du “London Calling” de Clash (les cuivres en moins, mais la hargne en plus), de même que “Liquorstore”, et le “When The World Stops Turning” introductif et “Voice On The Radio” évoquent les premiers efforts d’AC/DC. Quant à “Read On You”, on y distingue l’ADN de feu Thin Lizzy (“The Boys Are Back In Town” et autres “Dancing In The Moonlight”), tandis que “Blame On Me” et “Nightbird” portent la marque du Zep, et “Dream Of You And Me” celle des jeunes Black Crowes. On pourrait suivre ce jeu de pistes plus avant encore, si cela ne revêtait vite un aspect superfétatoire. L’acte de naissance du Connor Bracken & The Mother Leeds Band date de leur premier album studio en 2016, même si la formation avait déjà connu plusieurs incarnations préalables (et aussi quelques changements de line-up depuis). Ayant écumé ensuite tout ce que la côte Est des États-Unis compte de rades routiers, leur second album (paru l’an dernier) se devait d’être un live, et celui-ci (leur troisième, pour ceux qui suivent) sera à n’en pas douter prétexte à de nouvelles tournées. Que l’un de leurs guitaristes passés (bien qu’encore présent ici sur deux titres) se nommât Jesse Fogerty évoque certes d’autres généalogies (en est-il, ou n’est-ce que l’une de ces homonymies dont les USA frappent monnaie courante?), mais l’essentiel est ailleurs. Connor Bracken et ses sbires affichent à peine la moitié de l’âge de leurs modèles, mais n’en dispensent pas moins le même enthousiasme et la même ferveur que ces derniers lors de leurs glorieux débuts. Condensé de l’histoire du classic-rock en dix titres saignants, ce “Nightbird Motel” pourrait figurer l’antidote radical au funeste “Hotel California” de qui l’on sait, et ce n’est déjà pas si mal. Depuis le temps qu’on attendait la relêve, voici finalement la résistance (si vous voulez savoir à quoi, allumez donc la radio)…

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, August 10th 2020