COMORIAN – We Are An Island, But We’re Not Alone

Glitterbeat / Modulor
World Music
COMORIAN - We Are An Island, But We're Not Alone

Producteur (et souvent également découvreur) de pointures world telles que Tinariwen, Ustad Saami ou Zomba Prison Project, l’Américain Ian Brennan est un peu l’équivalent sonore de l’émission télé “J’Irai Dormir Chez Vous” d’Antoine de Maximy. La dernière aventure de cet infatigable explorateur a bien failli tourner au fiasco total. Quand il débarqua en Grande Comore, il était surtout à la recherche du ndzumara (une flûte à anche double, aussi nommée flûte de bois mahoraise), avant d’apprendre de la bouche d’un autochtone que cet objet “est mort”, suite à la disparition du dernier musicien jouant de cet instrument… Désappointé mais pas découragé, Brennan s’enquit alors auprès de plusieurs artistes locaux qui le dirigèrent chaque fois vers d’autres relais, avant de finalement rencontrer Comorian, Soubi et Mmadi, les musiciens qui rendirent finalement possible ce projet d’album. Il explique ainsi: “Quand on cherche de la musique, l’artiste le plus fort est souvent caché derrière un autre, moins important, moins connu. Dans ce cas, un homme rusé et prospère nommé Hassain nous a conduits à un autre non-musicien également nommé Hassain, qui nous a mis en relation avec un musicien assez bon, qui nous a finalement présenté son ami et mentor. Cette rencontre s’est avérée, enfin, être une vraie affaire”.
Évoquant tour à tour les mélopées mandingues en boucle de l’Afrique de l’Ouest (pourtant distante de plus de 6000 kms) , sur “Mama (Once, We Had A Queen)” ainsi que, de façon plus rudimentaire, le pseudo-blues malien (“Salvation”, “The Devil Doesn’t Eat Papaya, He Eats Fire”, “I’ve Come To The City (Now My Shoes Are Repaired)”, “Love Must Come Before Things”, ou encore “Bandits Are Doing Bad Things” et “My Friends Went Abroad And Were Swallowed By The Waves”), et plus sporadiquement les tambours pygmées (“America, Crazy”), cet album fait partie de la série Hidden Music, qui présente des musiques traditionnelles enregistrées sur leur biotope. Le concept n’en aura sans doute jamais paru plus adéquat: “Les quelques routes sont bordées de voitures dépouillées de tout sauf de leur carrosserie, des carcasses de voitures. Il y a autant de véhicules abandonnés que de véhicules en service. N’ayant nulle part où aller, nous avons opté pour l’abri partiel des vents côtiers qu’offrait la coque de l’une de ces voitures”… Avant de conclure : “J’ai transgressé une de mes règles cardinales: ne jamais ranger l’équipement avant d’être absolument certain que la musique est terminée. Je n’avais pas d’autre choix que de me tenir sous la pluie avec un appareil stéréo de secours, et d’essayer de capturer ce moment, alors que nous étions tous les deux trempés. Contre-intuitivement, être sous la pluie offrait un son supérieur à celui obtenu à l’abri, mais malheureusement, l’humidité a tué la machine, et ce qui était une prise resplendissante a été perdu à jamais”.
Depuis John A. Lomax dépêché au fin fond du Mississippi dans les années 30 par la Bibliothèque du Congrès Américain, on n’avait pas recensé pire galère, mais le jeu en valait manifestement la chandelle… au nez!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, April 22nd 2021

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Le label Modulor est à l’initiative de la publication de disques de labels au contenu très original. C’est le cas pour WeWantSounds et cela l’est également pour Glitterbeat qui a sans doute une évocation ethno-musicale plus prononcée.  C’est toujours à l’initiative du producteur Ian Brennan (Tinariwen, Ustad Saami, Zomba Prison Project) que nous devons cet enregistrement original. Comme Alan Lomax en son temps, dans un contexte bien différent quand même, le producteur et son équipe se sont rendus sur l’Île africaine de Grande Comore pour y enregistrer la musique locale (6 vols différents sont nécéssaires pour se rendre sur cette île qui ne subsiste que grâce à la pêche). La distance entre Londres et la capitale de l’île, Moroni, est de 8.180 kilomètres. C’est également la capitale fédérale de l’Union des Comores. Seuls des instruments à cordes, des percussions et des voix expriment dans des chansons les réalités de la vie quotidienne sur cette île. Trois musiciens contribuent à l’enregistrement de l’album: Soubi, qui joue du ndzendze (du genre boîte-cithare), du gambussi (autre instrument à cordes) et qui chante, Mmadi qui, lui aussi, joue du ndzendze et chante, et D. Alimzé qui est aux percussions et au chant. Leurs chants sont interprétés pour protéger l’enfant nouveau-né des esprits, célébrer une reine, des chaussures réparées et toutes les réalités mystifiantes de leur quotidien. Une sublime musique pour et par des gens qui demeurent libres de tout ce qui nous aliène! Autentique!

Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine (Fr)

PARIS-MOVE, May 5th 2021

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Un album à commander sur le Bandcamp de Comorian, ICI

Comorian – We Are an Island, but We’re Not Alone (teaser):