COLORBOX – MARC MINELLI & OLIVIER DURAND

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Rock
Marc Minelli

C’était écrit dans les astres, cousu de fil blanc, quasi inéluctable, clair comme de l’eau de roche, que deux musiciens, esthètes et talentueux, raffinés et inclassables, deux artistes originaires du Havre, le Detroit français, le Liverpool normand, creuset du rock hexagonal le plus intransigeant et chanté dans la langue de Shakespeare, devaient tilter, matcher et collaborer artistiquement. La vie est parfois bien faite, car COLORBOX n’est autre que l’union sacrée entre deux prestigieux et illustres havrais au curriculum vitae à donner des sueurs froides à un apprenti rocker en herbe, à peine sorti de son cocon de soie: Marc Minelli et Olivier Durand. Déjà, je tiens à mettre les points sur les “i” et les pieds dans le plat, Marc Minelli n’a absolument aucun rapport et n’est pas l’héritier de la célèbre marque de chaussures, ni le taulier d’une pizzeria de la Porte Océane où le Prosecco coule à flots et encore moins le styliste de costards napolitains très prisés par la Camorra… Marc Minelli fait partie de l’histoire, que dis-je, de la légende du rock havrais, avec Little Bob (Story), City Kids, Roadrunners, Bad Brains, les Scamps, Dominique Comont… le rock des docks le plus dur, le rock des artères venteuses et des pavés mouillés imaginés par Auguste Perret, le rock sans concession et géographiquement proche de l’Angleterre. Marc Minelli est l’archétype du songwriter au parcours atypique, qu’on ne peut absolument pas étiqueter tel un vulgaire baril de lessive d’un supermarché perdu aux confins d’une métropole sans âme. Le chanteur-guitariste à l’indissociable et inséparable galurin, fan des groupes anglais des 60’s, au dilemme schizophrénique entre les Beatles et les Rolling Stones et du jazz de John Coltrane et Charles Mingus, est un touche-à-tout, qui s’est même frotté au son de Bamako, remixés Amadou et Marian, collaboré avec Dominic Sonic, travaillé d’arrache-pied à New-York City dans le studio de Florent Barbier, ex batteur des Roadrunners, tout en s’attaquant également avec une crédibilité inouïe à l’œuvre et au répertoire des Clash, des Beatles, de David Bowie, de Lou Reed, des Kinks, de Willy DeVille ou de Serge Gainsbourg… en s’accaparant leurs morceaux, sans en reproduire des fac-similés ennuyeux et dénués d’un quelconque intérêt, mais sans les dénaturer non-plus. Tout en conservant coûte que coûte l’esprit originel du répertoire des susnommés, mais en y apportant son empreinte personnelle, son propre style, son ADN et son vécu. Le bouquet garni du maître queux qui fera la différence ou la poudre de perlimpinpin de l’apothicaire, qui sublimera le résultat. Indubitablement, on peut faire un parallèle entre les textes de Marc Minelli et ceux de Dylan ou de Whoody Guthrie, le fameux chanteur de folk-blues américain, grand spécialiste de la lutte des opprimés, décédé à NYC en 1967. Marc Minelli, adepte du dandysme le plus classieux à la Patrick Eudeline ou Christophe (Bevilacqua), prosélyte du culte de soi-même selon Baudelaire et du culte de la différence selon Kempf, fan du cinéma du réalisateur Jim Jarmush, proche de l’écrivain-journaliste-réalisateur havrais Jérôme Soligny (Rock & Folk), deux autres dandys célèbres, passera chez Ardisson avec son Love Atomic. Outre Love Atomic, on lui doit d’autres titres intemporels comme Take Me To America, So Crazy qui sera repris en 1984 par Little Bob Story sur l’album Too Young To Love Me, ou encore Muddy Waters… Sans conteste, Marc Minelli possède un charisme et un magnétisme hors du commun, il centralise sur lui toute la lumière environnante, de sa voix suave et sensuelle, à faire se pâmer la gent féminine comme à l’âge d’or de la Beatlemania en 1963, et même le plus rustre des dockers du port du Havre. Depuis quelques années, Marc a quitté Le Havre pour vivre à Vendôme, à proximité des vestiges du château et de sa quiétude fleurie. Mais comme un serial-killer sur les lieux de ses crimes, Marc revient régulièrement se produire dans la ville portuaire sous différentes formations.
Olivier Durand quant à lui, est un guitariste fantastique, survivant d’une race de guitar hero en voie de disparition, dans la lignée d’un Guy-Georges Gremy ou Serge Teyssot-Gay. Une extraordinaire fine gâchette d’une grande habilité et d’une incroyable subtilité (pour ne pas dire: inventivité). Olivier Durand (ses riffs dévastateurs et rageurs et ses arabesques musicales), jouera de 1989 à 1998 avec Little Bob en qualité de premier couteau, de compositeur époustouflant et hors du temps, qui composa avec Bob, la plupart des titres du véritable chef-d’œuvre Lost Territories en 1993 et de l’album de bravoure Blue Stories de 1997, côtoyant pour l’occasion des pointures comme Kenny Margolis (Mink DeVille), JJ Holiday ou encore Serge Teyssot-Gay… et assurant de main de maître une seconde voix à la Keith Richards en parallèle de celle inimitable de Bob. Ce qui engendra l’obtention avec mention “Très Bien” de son diplôme de respectabilité au sein de la dream team de la maison Piazza et au sein du rock français en général. Depuis 1998, Olivier Durand est le fidèle complice d’Elliott Murphy et transcende chacun de ses concerts en bonheur extrême et en euphorie transmissible. On notera chez Olivier, havrais de naissance et leader des Normandy All Stars, quelques évidentes influences allant de James Maddock et Ian Hunter pour le vocal, et allant de Ry Cooder à Sonny Landreth, en passant par Serge Teyssot-Gay pour ses immuables talents de guitariste.
Colorbox est l’heureuse union de ces deux figures de proue du rock, un album que tout à chacun devrait s’arracher, avec l’impatience et la fougue d’Attila à la tête de sa horde. Cet opus devrait déclencher des émeutes, des hystéries collectives aux parfums de gaz lacrymogène. On notera quelques titres comme Christmas Day qui sonne très Brian Eno et Roxy Music. Gimme Shelter dans une surprenante et originale version de ce standard des Rolling Stones de 1969, qui se trouvait sur l’album Let It Bleed, un opus qui voyait le passage de témoin entre Brian Jones et Mick Taylor et un titre qui mettait en exergue la formidable voix de la chanteuse afro-américaine de soul et de gospel de La Nouvelle-Orléans: Merry Clayton. Minelli et Durand en ont fait une version très personnelle, avec des percussions et des arrangements qui pourraient faire penser au blues africain, aux faubourgs de Bamako ou de Lagos, façon Alabama Pedro de Little Bob, voire au swamp-blues de Bâton-Rouge (Louisiana) I’m A King Bee de Slim Harpo. Summer’s Gone qui me rappelle Memory Motel des Stones, idéal pour le quart d’heure américain lors des surprises-parties. Quoi? Ça n’existe plus? Ah bon… Je dois avoir un métro de retard, voire même plusieurs… Ou encore Life Is Just A Movie, dont les superbes harmonies vocales, ne sont pas sans rappeler les Beatles. Quant au titre Sarah, il s’agit d’un ancien titre de Marc Minelli de 1984, qui se trouvait sur son album Take Me To America (Zooloo Records), dépoussiéré, exhumé et remis au goût du jour. Pour conclure, il s’agit d’un album mélodique et électrique, né d’une alliance bienvenue entre deux pointures du rock, deux pointures de la musique, deux artistes libres et authentiques, sans aucun carcan ni aucun calcul, dans la lignée de John Trudell, Buffy Sainte-Marie, Tom Waits ou Bob Dylan. Pour une leçon de groove et de feeling avec Colorbox, connectez-vous directement sur le Facebook respectif en MP de Marc Minelli ou Olivier Durand, afin de vous procurer leur album pour une modique somme. Quoi qu’il en soit, la culture et la musique à ce niveau élevé et inespéré n’ont pas de prix et n’intéressent absolument pas les majors de l’industrie du disque. Minelli et Durand sont bien trop talentueux et bien trop purs pour évoluer au milieu de ces requins et autres piranhas. C’est une lapalissade, mais je la clame malgré tout haut et fort à m’époumoner, afin que l’on m’entende au large du Havre jusqu’à Portsmouth: CD INDISPENSABLE…!!!

Serge SCIBOZ
Paris-Move

PARIS-MOVE, November 21st 2023

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