COLIN FISHER – Suns Of The Heart

We Are Busy Bodies / Factor
Musique improvisée
COLIN FISHER - Suns Of The Heart

Mutli-instrumentiste omniprésent sur les scènes jazz et avant-garde nord-américaines, le Canadien Colin Fisher aligne ces dernières années des collaborations avec rien moins que Jamie Branch, Joe McPhee, Sabir Mateen, Anthony Braxton, Gerry Hemingway et Fred Frith. À la fois guitariste, saxophoniste, claviériste et batteur (sans parler d’une kyrielle d’autres instruments), il met en œuvre ses talents multiples au fil d’improvisations dont il utilise le matériau pour base de ses propres enregistrements. C’est cette fois encore le cas, avec son sixième album solo que voici. En interprétant à lui seul toute la matière, il assemble et déconstruit dans la même démarche six longues plages instrumentales, avec l’assistance du producteur David Psutka (Egyptixx, Ceramic TL). Usant avec discernement de loops et d’auto-sampling, le résultat s’avère sans doute l’une des pièces psychédéliques les plus hallucinées de ce nouveau millénaire (pourtant déjà prolixe en ce registre). Articulant arpèges délicats, nappes de synthé grondantes, fulgurances de guitares en larsen et echo-reverb à tous les étages, le “Acts Of Light” d’ouverture instaure un climat d’où émergent des images de monastère tibétain sous bombardement soutenu, et entre frénésie (de guitare électrique) et bourdonnement (d’un sax aussi débonnaire qu’énigmatique), le “Deus Absconditus” qui lui succède résonne comme l’écho d’une guêpe furieuse piégée sous un vase clos. On ne trouve guère que Soft Machine et le regretté Frank Zappa à qui se référer en pareil équipage, ainsi qu’à certains de leurs modèles (de John Cage à Pierre Henry, Earle Brown et Morton Feldman). En témoignent encore “Luminous Night” (et son capharnaüm de saxes et de guitare mêlés, évoquant un essaim de frelons en panique sous l’agression d’un marteau-piqueur) et “Terra Lucida” (comme le tambour ralenti d’une machine à laver dialoguant avec un clavier d’ordinateur perplexe). Oasis de sérénité contemplative comme en proposaient jadis Ash Ra Tempel et Tangerine Dream , “Mundial Imaginalis” offre un répit bienvenu à la déferlante sonore, avant qu'”Illuminato Matutina” ne conclue sur un mode oppressant et vaguement irrésolu (pour paraphraser Gainsbourg). Expérience immersive s’il en est, voici donc un disque qui permet l’économie salutaire de psychotropes. Une performance à saluer, avant que l’IA ne banalise ce genre d’expérimentation, dans un grand gloubi-boulga virtuel.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, October 9th 2024

Follow PARIS-MOVE on X

::::::::::::::::::::::::::

Album à commander sur le Bandcamp de Colin Fisher