COCO MONTOYA – Writing On The Wall

Alligator / Socadisc
Blues
Coco Montoya

Avec seulement une dizaine d’albums à son actif en près de trente ans de carrière solo, on ne taxera pas Coco Montoya de stakhanovisme. C’est que la discrétion, le goût de la route et celui du travail bien fait habitent ce guitar hero depuis ses tout débuts. Natif de Santa Monica, Henry “Coco” Montoya effectua ses classes en tant que batteur auprès d’un autre modeste notoire (bien que non moins exubérant sur les planches), Albert Collins. Il n’avait alors pas 25 ans, mais sous l’égide du Master of the Telecaster, il ne tarda pas à s’enticher à son tour de cet instrument amplifié, dont la pratique finit par l’obséder. Gaucher comme un autre Albert (ou un certain Jimi), il servit ensuite dix ans durant au sein de l’une des multiples moutures des Bluesbreakers de John Mayall, avec lequel il enregistra sept albums. Après trois premiers essais parus respectivement chez Silvertone en Angleterre et Blind Pig aux USA, Montoya embarqua dès l’aube du millénaire sur le vaisseau amiral Alligator, pour y enregistrer trois albums qui lui ouvrirent l’accès à un public outrepassant le cercle des stricts amateurs de blues. Après un hiatus de dix ans (au cours desquels il publia un album studio et un live chez Ruf), il revint à la maison mère en 2017, d’où il nous expédie sa onzième livraison à ce jour. Produit par le batteur Tony Braunagel (Trampled Under Foot, Annika Chambers, Deb Ryder, Paul DesLauriers…), Coco a tenu à capter ces treize plages avec son groupe de scène (les ultra-compétents Jeff Paris aux claviers, Nathan Brown aux quatre cordes et Rena Beavers aux drums), même si Braunagel n’a pu s’empêcher d’officier derrière les fûts sur quatre titres, et si Ronnie Baker Brooks (fils du regretté Lonnie) et Lee Roy Parnell s’invitent également sur trois autres. La marque incandescente d’un juvénile Otis Rush imprègne le “I Was Wrong” d’ouverture, dont le lyrisme des six cordes atteste d’emblée que Montoya sait toujours s’affranchir des velléités mainstream qui entachèrent parfois sa discographie. Chant puissant et choruses déchirants en mineur y préparent le terrain pour le soul-gospel “Save It For The Next Fool”, où sa guitare retrouve les accents tour à tour fluides et tranchants de son mentor originel, ainsi que sur le “You Got Me (Where You Want Me)” de Don Robey (traîté en double-shuffle gaillard, tandis que Brooks y défie son hôte au fil d’un duel de licks digne d’un règlement de comptes à OK Corral)… Jeff Paris signe le bluesy soul “(I’d Rather Feel) Bad About Doin’ It”, et participe à l’écriture de cinq autres titres. Au registre des reprises, cet album propose le “Be Good To Yourself” du regretté Andy Fraser (bassiste originel de Free, qui l’enregistra en 1975 sur son propre “In Your Eyes”) et le “Stop” de Lonnie Mack. Co-écrite avec Jeff Paris et le guitariste Dave Steen, la plage titulaire se déploie sur un alerte zydeco beat, tandis que dans la même veine louisianaise, “Late Last Night” évoque les chansons de repentir post-bamboche d’un Huey Smith avec ses Clowns (dont Paris adopte sans effort la touche de piano, tandis que son patron y déboîte un solo à mettre tout le monde d’accord). Le plaidoyer devant le rouleau à pâtisserie demeure ainsi une vivier inépuisable, du rhythm n’ blues jusqu’à Boris Vian et Claude Nougaro. Le mélancolique “What Did I Say?” dresse néanmoins le bilan d’une rupture, dont le chant, les chœurs et le jeu subtil des six cordes expriment l’amertume avec conviction. Dave Steen signe le southern blues-rock “A Chip And A Chair”, dont il assure également la guitare rythmique, tandis que Coco y croise le manche avec la slide de Lee Roy Parnell. Ronnie Baker Brooks relance la partie sur le Chicago shuffle “Baby You’re A Drag”, où les compères proposent un nouvel échantillon de ces échanges joviaux dont sont coutumiers les clubs du West Side de la Windy City (attrape moi ça, camarade – bien reçu, et que dis-tu de celle là?). Hommage à B.B., Albert et Freddie, le nostalgique “Three Kings And Me” est une occasion de plus d’honorer leur mémoire, avant que “Natural Born Love Machine” ne conclue cette galette en rodomontade soul-blues façon Sam & Dave. Toujours bon pied, bon œil (et doigts et cordes vocales en pleine forme), Coco Montoya confirme (à l’instar de son voisin de catalogue Tinsley Ellis) qu’il demeure une valeur sûre d’une scène blues où rien n’est pourtant jamais définitivement acquis.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, September 4th 2023

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COCO MONTOYA – Writing On The Wall: album en digital, ICI

https://www.youtube.com/watch?v=uCXkmUtsW6o

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