Zydeco |
À la fois profondément agreste et quelque peu “out-of-this-world”, cette musique donne parfois l’impression d’entendre Hound Dog Taylor jammer avec Gus Viseur. Longtemps considéré par les ploucs eux-mêmes comme praticien exclusif d’un genre plouc par excellence (le zydeco), Clifton Chenier n’en est pas moins devenu, en moins d’un demi-siècle, l’ambassadeur emblématique d’un idiome qui, sans lui, aurait sans doute échappé aux radars. À la fois redevable (de par sa naissance) envers les cultures francophone, créole, cajun et blues, ce bon Clifton était un doigt d’honneur brandi (derrière un sourire aussi couronné que lui-même) à tous les imbéciles prétendant que ces musiques devraient rester “pures”. Aussi métissé que le blues, la rumba et le jazz eux-mêmes, le zydeco dont les frangins Chenier établirent les canons s’avère en effet une musique aussi bâtarde que la région marécageuse qui les enfanta. Leur vie durant, Clifton (accordéon chromatique) et Cleveland (washboard) n’eurent pour seul curseur que le déhanchement débridé qu’ils s’escrimaient à produire parmi les popotins de leurs auditoires. Cette anthologie de 24 titres, magistralement mastérisée (et remarquablement annotée par l’exégète Jean Buzelin), restitue dans son jus l’essence inégalable d’un artiste dont l’héritage continue d’irriguer la culture de son bayou originel, bien qu’il nous ait quittés voici plus d’un quart de siècle. Shake it, petite fille!
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Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
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