Blues

Voici un demi-siècle, Cisco HERZHAFT (fils effectif d’un horloger) était guitariste des Haricots Rouges (formation trad-jazz alors en vogue). Lors d’un de leurs galas en région parisienne, un blackos bègue à la dentition douteuse assurait leur première partie… C’était John Lee Hooker! Foudroyé, Cisco, qui n’avait jusqu’alors trippé que sur le folk, lâcha sur le champ sa formation pour accompagner le blues-commander dans ses pérégrinations au pays du camembert. En matière de blues, on appelle ça le crossroad (et au Maghreb, le mektoub)… Mais puisqu’il faut bien vivre, notre homme exerça un temps d’autres métiers. Entretemps, son frère Gérard s’affirma comme l’un des spécialistes du blues en France, avec sa “Grande Encyclopédie du Blues”. Et Cisco, qui ne pouvait se résoudre à abandonner la guitare, se vit progressivement reconnaître comme l’un des maîtres de la slide et du picking en Europe. Ce sixième album depuis que Cisco HERZHAFT enregistre sous propre nom (il en affiche autant d’autres par ailleurs) le voit rameuter quelques fidèles accompagnateurs (le contrebassiste Bernard Brimeur et le batteur Patrick Cassotti), et quelques nouveaux aussi (le beatboxer MicFlow et le rappeur Rockin’ Squat), au premier rang desquels on distingue la superbe harmoniciste belge Geneviève Dartevelle, et le non moins extraordinaire pianiste Fabrice Eulry. Ces deux -là illuminent de leur fougue et de leur talent de classiques Chicago shuffles tels que “That’s My Name”, ou d’acoustic boogies comme “Travelin’ Man” et “Indian Trails Blues”, où leur science profonde de ces idiomes fait merveille. La plage d’introduction, “Just The Man”, offre ainsi à Eulry l’occasion de splendides transgressions à la manière disruptive de Memphis Slim, Bud Powell et Mike Garson (grand écart). Le stompin’ picking & slide et le ragtime (dont Cisco HERZHAFT s’est confirmé l’un des meilleurs praticiens) ne sont pas en reste, avec ces “Poor Boy” et “Crazy Woman” (auxquels Dartevelle et Eulry fourbissent le contrepoint idoine). Seules covers présentes, le “Shake It Baby” de John Lee Hooker et l’évidente (et malicieuse) adaptation du “Cisco Kid” de War complètent cet album, qui s’avère l’un de ses tout meilleurs à ce jour.

Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder

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Un album noté “Coup de coeur” qui n’a pas fait l’unanimité au sein de la rédaction de PARIS-MOVE… et comme notre devise est de publier tous les avis transmis par tous les membres de notre équipe de rédaction, même s’ils ont un avis plus ou moins opposés, voici donc la seconde chronique de cet album par Thierry Docmac (Bayou Blue Radio & Paris-Move).
Frankie Pfeiffer – rédacteur en chef

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Voici le nouveau Cisco Herzhaft sur lequel on sera tous admiratif de son jeu de guitare et de la partie purement musicale de l’album, qui est vraiment au top, ainsi que des ambiances savoureuses, et fort heureusement de longues plages musicales de haut niveau permettent d’écouter cet album jusqu’au bout. Pour le reste, on a ici ce que l’on a trop souvent avec un bon nombre de groupes de blues francophones, des paroles en anglais assez pauvres et parfois à la limite du ridicule, et un accent franco-français qui en rajoute une couche. Dommage… Tout le monde n’a pas le talent d’un Malted Milk, Matt Bw, Miguel M, ou encore le talent des Flyin’ Saucers qui sentent bon la Louisiane et sans aucune prétention. Quand un si bon musicien que Cisco Herzhaft sort un CD, on aimerait qu’il ne soit que musical (et il serait alors indiscutablement noté “excellent”!) ou alors que les textes soient signés par un véritable auteur anglophone, et peut être aussi laisser le chant à un américain. Il y a suffisamment d’artistes américains de haut niveau en Europe pour faire de beaux projets et de beaux partenariats, ou duos. Et Cisco Herzhaft mérite largement de réaliser un projet en duo de la sorte. C’est la raison pour laquelle je ne mets que 3 étoiles à cet album: 3 étoiles pour la qualité des compos et du fantastique jeu des musiciens. Pour le reste, à moins d’être totalement fan de cet artiste, ce n’est, selon nous, à Bayou Blue Radio, ni un album “indispensable” ni un “coup de coeur”. Je retourne de ce pas écouter un vrai bluesman, Dom Flemons, et son magnifique “Black Cowboys” qui, pour le coût, mérite toutes les éloges.

Thierry Docmac
Bayou Blue Radio – Paris-Move

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Les choses ne deviennent convaincantes qu’à partir du second titre, Shake It Baby, car le premier morceau me semble beaucoup trop convenu, bien que certaines parties musicales sonnent de belle manière. Je pense à l’harmonica et au piano, notamment. Il faut dire que Cisco HERZHAFT n’est pas ce que l’on appelle un novice en matière de Blues. Il est même un maître reconnu en Slide et Picking. Et le fait qu’il ait signé depuis longtemps avec le label Blues N’Trad n’est pas anodin non plus. C’est en effet un label qui a été créé en 1991 (qui s’est développé aveec la production de spectacle en 2004), spécialisé dans les musiques nord-américaines, avec de nombreuses connexions internationales. C’est le quatorzième album du Monsieur et c’est, sans doute, ce qui explique que les musiciens soient tous excellents. On retrouve Bernard Brimeur à la double basse, Patrick Cassoti à la batterie, Fabrice Eulry au piano et Geneviève Darteville à l’harmonica. Cisco HERZHAFT s’occupe notamment des parties de guitare et, parce qu’il a pour préoccupation d’actualiser et contemporiser sa musique, il a invité MicFlow à la boîte à rythmes sur Old Black Train (l’un des quatre Beatboxer du collectif Under Kontrol, vainqueur des championnats du monde de Beatbox) et le rappeur français Rockin’ Squat sur I’m A Blues Vet. La plupart des morceaux sont des compositions de Cisco HERZHAFT, exceptées Shake It Baby, de John Lee Hooker, Cisco Kid, de War, le Traditionnel Poor Boy, le morceau de Rap et le Traditionnel indien cherokee Dance Of The Spirit. Du bel ouvrage! Preuve que Cisco HERZHAFTest bien fils d’horloger, après tout…

Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine (Fr)