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Critique – Christopher McBride électrise le bebop avec une urgence contemporaine.
Christopher McBride ne se contente pas de jouer du bebop; il le suralimente. Son nouvel album, qui paraîtra le 3 octobre, arrive comme une révélation, un disque qui parvient à honorer les subtilités de la tradition tout en éclatant de l’urgence du présent. Enregistré en seulement trois jours, les treize titres dégagent à la fois spontanéité et maîtrise, un équilibre que seul un musicien de la rigueur de McBride pouvait atteindre.
Son groupe, The Whole Proof, n’a rien d’un simple projet parallèle. Fondé à Chicago il y a plus de dix ans et réinventé à New York après son déménagement en 2013, l’ensemble est devenu son principal vecteur de narration musicale. Car c’est bien de cela qu’il s’agit: raconter des histoires. Chaque composition est pensée pour porter une émotion, éclairer un instant, ou entraîner l’auditeur dans un univers que McBride a lui-même traversé. C’est ce sens de la mission qui confère à l’album toute sa profondeur.
La musique déborde d’une énergie fébrile. Dix compositions originales et deux reprises réinventées tracent un parcours qui ressemble souvent à une déambulation urbaine: les ambiances changent brusquement, les grooves apparaissent et disparaissent, le tempo de la vie dicte le mouvement. La section rythmique mérite ici une mention particulière: elle soutient cette propulsion sans jamais se réduire à la mécanique. Elle s’accorde aux compositions de McBride avec un groove à la fois précis et indomptable.
Mais ce qui élève véritablement le disque, c’est son intimité. McBride explique que chaque composition originale a été inspirée par une personne, un lieu ou un moment de sa vie. On l’entend dans son phrasé. Il joue du saxophone comme on tiendrait un journal intime, transcrivant ses expériences vécues en notes et en silences. Le morceau-titre, inspiré d’une conversation avec le saxophoniste Jason Marshall, médite sur la manière dont les parcours professionnels et personnels se croisent, se séparent et parfois se retrouvent. Dans les mains de McBride, ces réflexions ne sont pas de simples abstractions philosophiques, mais une musique qui se ressent physiquement.
L’album porte également un sous-texte politique que McBride n’essaie pas de masquer. Lors d’une visite au Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaine, il a été frappé par un passage décrivant la traite transatlantique: les esclaves qui survivaient à la traversée, disait-on, n’étaient destinés à résister que sept années avant que leur corps ne cède sous la brutalité du labeur forcé. Le lendemain, McBride a écrit une composition en réponse. C’est l’un des moments les plus saisissants du disque, moins endeuillé qu’exigeant, rappelant que le jazz a toujours fonctionné à la fois comme témoignage et comme résistance.
Ce qui marque le plus, pourtant, c’est la manière dont McBride brouille les temporalités. Compositeur profondément ancré dans le bebop, il refuse de le traiter comme une archive. Sa musique est vivante, au présent. Il écrit avec le feu de l’histoire mais joue avec l’élan de celui qui veut avancer, impatient de tester ce que le bebop peut encore devenir.
À la fin de l’écoute, il est difficile de nier le statut de McBride. Il n’est pas seulement un saxophoniste exceptionnel, mais l’un des compositeurs américains les plus captivants d’aujourd’hui. Son album prouve que le bebop peut encore surprendre, émouvoir, et compter. Et pour ceux qui veulent mesurer toute l’intensité de ce projet, McBride l’emmènera bientôt sur scene, Chicago, Los Angeles, Atlanta, New York, où l’urgence de ces morceaux résonnera sans doute avec encore plus de force.
Christopher McBride en apporte la preuve: le bebop n’est pas seulement vivant, il est pleinement éveillé.
Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News
PARIS-MOVE, September 30th 2025
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The Hang, The Hustle, The Path Album Release Party – Jazz Showcase Chicago
Thursday, October 2, 2025 (8:00 PM)
Sunday, October 5, 2025 (9:00 PM)
Jazz Showcase 806 South Plymouth Court Chicago, IL 60605 United States (map)
Musicians:
Jon Thomas (piano, claviers et orgue)
Barry Stephenson (contrebasse acoustique et électrique)
Michael Piolet (batterie
Guests: les trompettistes Josh Evans et Wayne Tucker, le guitariste Marcus Machado et les chanteurs Charles Turner et J. Hoard
Track Listing :
Welcome (#AllDay)
Opportunity Lost Feat. Josh Evans
CHI To NY Feat. Wayne Tucker
Punta Cana
A Downpour Of Beauty (Ceta’s Song) Feat. Charles Turner & Marcus Machado
Funky Good Señor Blues Feat. Josh Evans
You Are My Joy
Seven (The Human Cost) Feat. Josh Evans
Saxophone At Night
Jeanette Feat. Wayne Tucker
Kiss Of Life Feat. J. Hoard
The #BAM Continuum Feat. DJ Skaz Digga
The Hang, The Hustle, The Path