CHRISTOPHE LAMPIDECCHIA – French Colors

Marianne Mélodie / Socadisc
World Jazz
CHRISTOPHE LAMPIDECCHIA - French Colors

Qu’il semble loin, le temps où Claude Nougaro se croyait tenu de plaider pour réconcilier le jazz et le musette. De fait, le Toulousain savait bien qu’il ne s’agissait là que d’une galéjade, puisque depuis Django Reinhardt (auprès des frères Ferret) et Gus Viseur, ces deux genres ont toujours fait bon ménage, que ce soit sur les planches ou en coulisses. Après qu’à la suite de Jo Privat et Marcel Azzola, Richard Galliano eut fini de restaurer ses lettres de noblesse à l’instrument à soufflet, une nouvelle génération de jeunes accordéonistes, aussi passionnés que décomplexés, en reprend désormais le flambeau. Adoubé dès sa prime jeunesse par Maurice Larcange, Bruno Lorenzoni et Éric Bouvelle, le Marseillais Christophe Lampidecchia enregistre depuis plus de vingt ans déjà, et son parcours l’a mené depuis ses études auprès du Conservatoire de Marseille (dont il sortit diplômé en… trombone) et ses participations à l’orchestre de bal musette familial, jusqu’à l’apprentissage du jazz auprès de professeurs aussi émérites qu’Ivan Jullien et Mario Stantchev. Sous l’impulsion de Francis Lockwood, il enregistre quelques musiques de films, commence à se produire auprès de pointures telles que Louis Winsberg, Michel Alibo ou encore Marc Berthommieux, et finit par monter son propre ensemble jazz-musette. C’est sans véritable surprise qu’on le retrouve donc cette fois entouré de cadors tels que Dédé Ceccarelli aux baguettes, Jean-Philippe Viret à la contrebasse, Minino Garay aux percus et Jean-Marie Ecay aux six cordes, avec pour guests et en bonus le pianiste Jean-Pierre Como sur un titre, et le sax alto de Pierre Bertrand sur un autre. Parvenu à une éblouissante maîtrise de son instrument (ainsi qu’à une éclectique maturité dans ses choix musicaux), Christophe Lampidecchia délivre ici, en neuf instrumentaux (tous de sa plume), le récit de ses pérégrinations parmi les musiques métissées qui lui tiennent à cœur. Depuis le tango argentin jusqu’à la valse jazz, en passant par le bebop, le blues et la musique péruvienne, il les assaisonne avec goût à sa sauce musette, dont les arômes relevés n’exhalent jamais la moindre saveur surannée. Si la plage titulaire introductive restitue ainsi le charme des guinguettes de bord de Seine, le solo de guitare électrique qu’y prend Ecay lui confère une indéniable modernité, tandis que les balais à Dédé y virevoltent comme des papillons d’été autour de la contrebasse swing de Viret. Avec l’apport des percussions colorées de Minino Garay, “Azur”, “Point De Vue” et “Jésus De Janeiro” embarquent l’auditeur sur des rythmes de samba effrénée. Comme son titre l’indique, “King Tango” arpente quant à lui les terres d’Astor Piazzola, et le limpide “For Marcel” emprunte avec jubilation les accents java dont Marcel Azzola s’était fait le héraut, tandis que les mélancoliques “Vague À l’Âme” et “Moorea” (sur un languide rumba beat) rappellent le talent de Christophe pour instaurer des climats cinématographiques (tout comme “Céline”, où les accords brisés des ivoires sensibles de Jean-Pierre Como tissent la trame où l’accordéon de Christophe déploie un spleen indicible). Si vous pensiez être hermétique à l’instrument, vous pourrez toujours déclarer à l’écoute de ce disque: “je n’aime pas l’accordéon mais ça j’aime bien”… Dans le cas contraire, songez à consulter (nous connaissons d’excellents audioprothésistes).

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, December 27th 2021

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