CHRISTOPHE – DEFINITIVEMENT

CAPITOL MUSIC FRANCE
Chanson française
CHRISTOPHE - DEFINITIVEMENT

Daniel Bevilacqua dit Christophe, pseudo choisi car St Christophe est le protecteur des voyageurs, des conducteurs de bagnoles, tant adorées par l’intéressé… est né le 13/10/1945 à Juvisy-sur-Orge (tiens, la ville d’origine du groupe Bijou, le monde est vraiment petit!) et malheureusement décédé le 16/04/2020 à l’hôpital de Brest, pratiquement un an jour pour jour après Dick Rivers, dans les circonstances que l’on connait (Covid associée à une maladie récurrente des poumons). Brest, son arsenal, ses dockers, la ville de Miossec et de Béatrice Dalle, bien loin de son home-studio du boulevard du Montparnasse, à mille lieues des sushis et des cocktails exotiques à 3 heures du mat’ dans un Paris endormi, lorsque le vent d’automne vous caresse délicatement le visage et que l’immense Tour Montparnasse, de sa grande carcasse, veille sur vous d’un œil bienveillant. 74 ans, trop jeune pour partir, 74 ans, comme Johnny Hallyday et l’ex chanteur des Chats Sauvages. Après le funeste et légendaire club des 27, est-ce qu’il y aurait une nouvelle malédiction du rock’n’roll avec le club des 74? Affaire à suivre… J’entends déjà certains puristes du blues ou du rock ‘n’roll hurler avec véhémence leur désarroi et leur perplexité à la vue d’une chronique de Christophe Bevilacqua pour le site Paris-Move. En ce qui me concerne, j’assume complètement cette chronique et je persiste à dire que Christophe a bien évidemment sa place dans un tel média, qui n’a pas pour vocation de sombrer dans le sectarisme tous azimuts, voire le purisme ennuyeux, position que défend bec et ongles (et bagues sur chaque doigt) Frankie, notre rédacteur en chef.
Cet album intitulé Définitivement, musique inspirée du film documentaire de Dominique Gonzalez-Foerster et Ange Leccia, actuellement dans les salles obscures et bientôt présenté au Festival de Cannes, est une pure merveille, présentant le beau bizarre lors de son come-back scénique à l’Olympia en 2002, puis au Château de Versailles. Un film sans strass ni paillettes qui montre l’envers du décor d’un artiste en répétition, backstage, avant d’entrer en scène, chez lui dans son laboratoire secret d’un autre temps, sans aucune interview ni voix off, donnant ainsi libre cours à l’expression la plus imagée et la plus singulière de Christophe. Attention les amis, encore une fois, ce n’est pas un énième biopic sur un chanteur iconique avec Benoît Magimel dans le rôle de Christophe, mais il s’agit d’un document avec caméras parfois indiscrètes, comme si nous étions nous-mêmes les témoins privilégiés entrant sur la pointe des pieds dans l’univers musical et nocturne du dernier dandy. Disponible en CD et en vinyle 2 LP’s, l’album présente de nombreux succès intemporels de Christophe, des titres de rock expérimental, des titres surréalistes live habillés de nouvelles couleurs, avec un son venu d’une autre galaxie. Bien entendu les sixties ne sont pas occultées avec “Aline” et “Les Marionnettes”, mais aussi ses fantastiques albums des années 70’s, des chef-d ’œuvres de pop-rock devenus cultes avec le temps, à l’instar de Serge Gainsbourg avec Histoire de Melody Nelson, L’Homme A Tête De Chou ou Rock Around The Bunker. Des albums grandioses, parfois conceptuels, de Christophe et Jean-Michel Jarre comme Les Paradis Perdus en 1973, Les Mots Bleus en 1974, Samouraï en 1976 avec la complicité de Boris Bergman, Le Beau Bizarre de 1976 avec la complicité de Bob Decout, Pas Vu Pas Pris de 1980, avec le concours de son beau-frère Alain Kan, disparu sans laisser de traces dans le métropolitain parisien au printemps 1990, et de Louis Deprestige (ex Asphalt Jungle avec Patrick Eudeline). Christophe s’affirmant alors comme un chanteur hors norme, dans tous les sens du terme, comme une sorte de David Bowie ou Alan Vega à la française. On retrouve pêle-mêle et avec grand plaisir, des titres comme “Un Peu Menteur”, “Elle Dit Elle Dit Elle Dit” de l’album Comm’Si La Terre Penchait de 2001, “Petite Fille Du Soleil” de 1975, “Les Paradis Perdus” ce rock sophistiqué, “Les Mots Bleus”, les mots qu’on dit avec les yeux, “Le Dernier Des Bevilacqua” et bien d’autres hymnes incontournables… Christophe le cinéphile était une véritable légende vivante d’une certaine idée du rock et du blues. Oui, absolument, car Christophe venait du blues avec son premier groupe Dany et les Holigans. Il était dingue d’Elvis Presley, d’Eddie Cochran, de John Lee Hooker, de Lightnin’ Hopkins, de Slim Harpo, de Son House. Il adorait le son et le style des Chats Sauvages et la voix suave de Dick Rivers et avait craqué sur “Oh! Lady”, le slow qui tue qu’il considérait comme une véritable œuvre d’art.
Christophe était un esthète qui se situe entre le dandysme exacerbé, avec son look de marlou du sud de l’Italie, voire de voyou sympathique de Juvisy-sur-Orge et le rock énigmatique. Parfois excentrique, parfois introverti, souvent coincé dans sa bulle musicale et artistique au sens large, il a traversé plus de 50 ans de musique avec allégresse, sans pour autant sombrer dans la ringardise. Bien au contraire, il était l’un des chanteurs les plus actuels, les plus branchés, les plus câblés, les plus insaisissables, les plus énigmatiques. Il était l’icône de Télérama, Libé (culture) ou des Inrocks… L’archétype du rockeur romantique. Ou la poésie d’un autre temps poussée jusqu’à ses derniers retranchements, par un Christophe aux allures chevaleresques, bien loin de l’étiquette du chanteur yéyé des sixties, du chanteur pour midinettes que certains béotiens lui ont injustement collée. Une sorte de poète anxieux mais pas anxiogène, aux antipodes d’une poésie hermétique. D’ailleurs, à la base, “Aline”, le tube incontournable de Christophe, le slow des 60’s, est un blues! Un blues qui a été rendu plus accessible pour le grand public, plus édulcoré. Entre blues et rock symphonique, il aura sorti des albums incroyables. La France tenait là son David Bowie sans le savoir… Son chanteur de glam-rock. Et plus récemment, il collaborera avec Alan Vega et les albums Comm’Si la terre penchait et Aimer ce que nous sommes, avec la complicité de l’excellent guitariste Christophe Van Huffel ou du batteur légendaire Carmine Appice, graveront sa légende dans le marbre de l’excellence.
Indubitablement, ce mec était fascinant, voire envoûtant. Son univers et sa vie au quotidien étaient très rock‘n’roll. Bien plus que certains usurpateurs ayant l’étiquette de “rockeur” collée sur le front, comme un vulgaire baril de lessive de supermarché, mais sans le cadeau Bonux! Christophe collectionnait les 78 tours de blues et de rockabilly, les jukebox Wurlitzer, les photos en tirages originaux de pin-up et autres actrices des années 40-50, les objets vintages en bakélite, les guitares, etc… Son domicile du boulevard du Montparnasse était un véritable musée voué au rock‘n’roll, au blues, au cinéma, à la peinture, à la photographie, à l’art sous toutes ses formes. L’appart’ d’un fétichiste fou, qui avait fait de l’art sa raison d’être au quotidien. Christophe était un Dieu vivant et un artiste complet. La transition peut paraître facile, mais avec Christophe, on a vraiment retrouvé le Paradis… d’un certain rock sophistiqué. Bien que d’ordinaire inclassable, il est malgré tout à classer soigneusement parmi les œuvres immortelles de Bashung, Daniel Darc, Rodolphe Burger, Dick Annegarn, Nino Ferrrer, voire même Brassens qu’il affectionnait particulièrement… même sensibilité et même authenticité. “Christophe… définitivement” est un film captivant à voir absolument et l’album, quelle que soit sa version, est à acquérir d’urgence, car il s’avère INDISPENSABLE pour ne pas oublier que la France tenait dans ses entrailles l’un des artistes les plus exceptionnels et les plus talentueux de toute son histoire. Christophe était une œuvre d’art à lui tout seul et était la meilleure définition du mot “esthète”! Et comme l’a écrit Christian Eudeline dans son bouquin, il était le dernier dandy… définitivement.

Serge SCIBOZ
Paris-Move

PARIS-MOVE, March 25th 2023

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A commander en CD

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https://www.youtube.com/watch?v=bfviflDYNno