Blues-Rock |
Natif de Clarksdale (au cœur de ce fameux Mississippi Delta qui offrit au blues tant de ses figures historiques), le jeune guitariste-chanteur Christone “Kingfish” Ingram publia, voici deux ans (et à vingt-deux ans à peine), son premier album sur le plus prestigieux label qui soit dans ce registre. Il fallait bien qu’il soit prometteur, puisque des parrains tels que Keb’ Mo, Buddy Guy et Billy Branch s’en portaient garants. Présenté à juste titre par Bruce Iglauer en personne comme l’un des challengers les plus plausibles pour incarner la nouvelle génération du blues, ce garçon affronte donc à présent la toujours délicate épreuve du second album. “662”, c’est l’indicatif téléphonique du Mississippi qui l’a vu naître et s’épanouir, et où il réside encore de nos jours. La plage éponyme qui ouvre les festivités ne s’avère pas moins (tout comme le chaloupé “I Got To See You”) un fieffé rock n’ roll comme en pondait à la chaîne John Fogerty voici un demi-siècle, au sein de Creedence Clearwater Revival. Plus frappant encore, “She Called Me Kingfish”, “Long Distance Woman” et “My Bad” renvoient à ce blues-rock gumbo que pratiquait auparavant encore un trio de blanc-becs même pas américains du nom de Cream. Après des décennies de débat sémantique sur qui porta effectivement le blues à la connaissance du vaste monde, on peut finalement admettre que l’imprégnation entre Noirs et Blancs s’est de fait réalisée dans les deux sens, au fil des générations… De la regrettée Deborah Coleman à Eric Gales, Bernard Allison et Ayron Jones, les exemples en pullulent désormais, mais l’influence de la soul intemporelle semble par contre demeurer l’apanage privilégié de la communauté afro-américaine, comme en témoignent ici les poignants “Another Life Goes By” et “You’re Already Gone” (sortes de transpositions actuelles du “What’s Going On” de Marvin Gaye), ainsi que le funky “Too Young To Remember” et la vintage gospel soul cuivrée de “That’s All It Takes”. Sur les travées de Hendrix et Led Zeppelin, “Not Gonna Lie” sème quant à lui un sacré barouf, et il faut bien quelques plages telles que le superbe et hanté “Your Time Is Gonna Come” (sans relation avec celui du Zep) et les Chicago shuffles “That’s What You Do” et “Something In The Dirt” (réminiscent de “Sweet Home Chicago”), avec le piano alerte de Marty Sammon, pour arrimer encore cette rondelle à l’idiome blues stricto sensu. Il n’en demeure pas moins que les impressionnantes qualités de Kingfish sur les six cordes s’y réfèrent indéniablement, même s’il dédie l’ultime bonus track au “Rock & Roll”… sur le mode folk, pour finir de brouiller les dernières cartes! À nouveau produit et soutenu par le batteur Tom Hambridge, un album qui confirme donc en puissance de feu ce qu’il réfute de filiation servile. Si Christone Ingram cite bien parmi ses modèles de référence Muddy Waters, B.B. King et Albert Collins, on ne pourra pas le blâmer d’interpréter de nos jours sa propre vision du blues. C’est déjà un tel miracle qu’il sache le jouer si bien à son jeune âge…
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, July 13th 2021
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Le petit prodige de Clarksdale continue de nous ravir avec son deuxième opus, 662. Et on se retrouve sur le cul dès le premier riff d’autant que la voix du boy possède le petit quelque chose qui désarçonnerait n’importe quel cavalier! Le producteur de cette galette n’est autre que Tom Hambridge, qui a également participé au mixage et au mastering. Il faut rappeler que le garçon n’est pas un bébé dans le milieu de la musique puisqu’il a obtenu 2 Grammy Awards, 7 nominations et 7 Boston Music Awards, et que l’on ne compte plus les artistes avec lesquels il a collaboré! Dans le cas présent il cosigne, en plus, 13 des 14 titres + bonus que contient la galette , tout comme Christone Ingram alias Kingfish. Il joue même de la batterie sur l’album, chante sur 2 titres et du chimes (instrument à percussions) sur un autre. En plus de ces deux complices, Kenny Greenberg et Bob Britt sont à la guitare sur certains titres, Glenn Worf et Tommy MacDonald à la basse, Marty Sammon aux claviers (piano, orgue Hammond B3 et Wurlitzer), Max Abrams au saxophone et Julio Diaz à la trompette. Tous les tires ont été enregistrés à Nasville, Tennessee, excepté le titre bonus, joué avec d’autres musiciens et enregistré à Memphis. Quand on réalise que l’artiste est de 1999 et qu’il a enregistré sa première galette à l’âge de 20 ans, on se dit que la notion de don n’est pas excessive du tout. Le jeune musicien s’ouvre à nous plus que dans son premier opus et nous en apprend davantage sur lui-même. C’est en revenant de tournées qu’il a écrit la plupart des morceaux. Et pourquoi 662? Parce que 662 est l’indicatif téléphonique qui fonctionne depuis 1999 (son année de naissance) dans 6 zones du Mississippi Nord et cela lui a toujours permis de rester en relation avec les siens. Et un Long Distance Woman ne peut que corroborer ce qu’il évoque dans le titre qui a donné l’intitulé de l’album. Rien de surprenant donc à ce que d’aucuns voient en lui un “superhero” de la guitare. C’est le cas de Waynes Goins, professeur à la Kansas University, journaliste de la revue Living Blues et auteur de deux ouvrages: “That’s All Right: The Jimmy Rogers Story” et “Maestro: The Taj Mahal Story”. Kingfish, une pépite dans la production discographique de Blues!
Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine (Fr)
PARIS-MOVE, September 17th 2021
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Christone “Kingfish” Ingram – 662 (Single):
Christone “Kingfish” Ingram – 662 (Official Tour Announcement Video):