CHRIS O’LEARY – The Hard Line

Alligator / Socadisc
Blues
CHRIS O'LEARY - The Hard Line

À ne pas confondre avec John O’Leary (lui aussi harmoniciste, mais anglais et co-fondateur des Brunning Hall Sunflower et John Dummer Blues Band, ainsi que de Savoy Brown), Chris O’Leary naquit à Schenectady, dans l’État de New-York, en 1968, peu après l’époque où son homonyme effectuait ses premiers pas sur scène et en studio. Élevé par des parents mélomanes aux goûts éclectiques, il assista à son premier concert vers l’âge de dix ans. Verni, le gamin, puisqu’il s’agissait du Band, qui effectuait alors sa première tournée sans Robbie Robertson. Interpellé par leur musique, le jeune Chris se procura ensuite l’album live de leur premier “adieu” à la scène (“The Last Waltz”, alors filmé par Martin Scorcese), pour se prendre un second choc frontal en y découvrant Muddy Waters interprétant “Mannish Boy” avec l’harmoniciste Paul Butterfield. Pour enfoncer le clou, son paternel lui offrit alors le ‘Hard Again” de Muddy (alors produit par Johnny Winter), sur lequel figurait également le harp master James Cotton. Foudroyé par ce son à la fois puissant et si évocateur, l’adolescent décida alors de devenir à son tour harmoniciste. Autodidacte, le jeune passionné s’engagea à 18 ans dans le corps des Marines au sein duquel il effectua son service, sans renoncer pour autant à la pratique de son instrument fétiche. Démobilisé et de retour à New-York, il commença à s’y immerger dans le circuit des clubs de blues, pour finir par y constituer sa propre formation. De fil en aiguille, une démo de son groupe parvint à Levon Helm (batteur du Band, à l’origine de sa vocation), et ce dernier le contacta, jusqu’à s’inviter à l’occasion sur scène à ses côtés. Quand Helm ouvrit son propre blues club à la Nouvelle-Orléans (le Classic American Café, sur Decatur Street), il proposa à Chris d’intégrer son groupe maison. Après cette expérience formatrice (au cours de laquelle Chris rencontra certains autres de ses héros, depuis Hubert Sumlin jusqu’à son idole, James Cotton en personne), Levon emmena ses musiciens sur la route, sous le sobriquet de Barn Burners (les incendiaires de granges). Chris tourna avec eux six années durant, avant d’entrer une première fois en studio en 2003, pour y accompagner Hubert Sumlin sur son album “About Them Shoes”. Outre Cotton, il y côtoya également Bob Margolin, lui aussi ex-membre du Muddy Waters Band, et ce dernier produisit son premier album, “Mr. Used To Be”, sur Vizztone en 2010. Deux autres albums suivirent sur le même label, puis deux autres encore chez American Showplace, tandis que O’Leary entamait une prolifique carrière en tant que leader de son propre band, tournant intensivement, au rythme d’une centaine de dates par an, de par le monde (U.S.A., Canada, Irlande, Espagne, Danemark, Belgique, Pays-Bas, Slovaquie, Autriche, Suisse, Allemagne, France et Portugal…). Son arrivée chez Alligator marque donc une étape importante dans sa carrière, et si Chris en assure lui-même la production, Bruce Iglauer a veillé à ce qu’il y dispose des moyens nécessaires pour atteindre ses buts artistiques. Il y est entouré de pas moins de seize musiciens (dont cinq cuivres), ainsi que de trois choristes, et au rayon guitaristes, on dénombre non seulement Monster Mike Welch, mais aussi le grand Jesse O’Brien au piano, ainsi que quatre batteurs distincts. Ceci posé, comme chacun sait, même la Grande Armada resterait impuissante sans deux fondamentaux: le souffle et les chansons. Or, il se trouve que ce sont précisément ces deux atouts qui convainquirent le boss d’Alligator d’engager cette nouvelle recrue. Non content de signer chacune des douze plages de ce disque, O’Leary insuffle une telle passion dans sa façon de les interpréter (tant au chant qu’à l’harmonica) que leur première écoute emporte l’adhésion, incitant même à réitérer l’expérience au plus vite. Comme le démontre le “No Rest” introductif, l’ossature de ce copieux album repose (outre O’Brien) sur les frères Vitarello (Chris aux six cordes, tandis que Dan officie aux drumsticks et derrière la console). Entre southern soul (“Things Ain’t Always What They Seem”, avec les ivoires virevoltants de Brooks Milgate), Memphis (“Lost My Mind”, “Love’s For Sale”) et Chicago blues (“Aint That A Crime”, “My Fault” dans la veine de Rice Miller ou le renversant “I Cry At Night”, avec un Mike Welch impérial dans le registre d’Otis Rush, où verse également le lancinant mambo “Lay These Burdens Down”, où Vitarello oscille entre Peter Green et Santana), la virtuosité et la puissance du leader vous acculent à la reddition sans conditions. Milgate prend les commandes du boogie-woogie “Need For Speed”, rappelant le fameux “Rocket 88” de Jackie Brenston et Ike Turner. Le touring band de Chris comprend notamment Pete Kanaras, guitariste des Nighthawks de Mark Wenner, qu’évoquent également “You Break It, You Bought It” et le très Tom Waits “Who Robs A Musician?”, tandis que comme son titre l’indique, “Funky Little Club on Decatur” évoque, sur un Louisiana second line beat cuivré, les souvenirs de Chris à New-Orleans avec le regretté Levon. Cela faisait longtemps qu’une découverte de cet acabit ne nous avait pas télescopé: le genre de disque qui donne l’impression d’être entraîné dans une all night blues party sans fin!

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, January 6th 2024

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